Ceinture et bretelles pour l’Arbre aux Hérons

Approche-t-on d’un moment décisif dans le dossier de l’Arbre aux Hérons, qui remonte quand même à 2007 ? Deux nouvelles péripéties pourraient faire office de feu orange plutôt que de feu vert… 

Voici plus de trois ans et demi, le conseil métropolitain a confié à Nantes Métropole Aménagement des études destinées à « finaliser la faisabilité de l’Arbre aux Hérons ». Puis, pour finaliser la finalisation, le 4 octobre 2019, il a voté encore 1,5 million d’euros H.T. de « complément d’études », dont le résultat devait être « restitué » en juin dernier.

Par la même occasion, il avait décidé d’octroyer 2 880 000 euros HT de rab’ à la Compagnie La Machine (ou au groupement Pierre Orefice – François Delarozière – La Machine : le P.V. du conseil métropolitain n’est pas clair sur ce point) afin de construire un Héron « pour réaliser des tests de vols ».

Coup sur coup, Nantes Métropole vient de publier encore deux avis de marchés publics portant l’un sur un « marché de contrôle technique pour la construction d’un grand héron », l’autre sur une « mission d’assistance et d’expertise juridique pour l’opération Arbre aux Hérons ». Le premier n’est pas chiffré, le second pourrait s’élever à 80 000 euros H.T. – soit plusieurs centaines d’heures d’avocat.

La multiplication des études a un petit côté « ceinture et bretelles ». Nantes Métropole dispose de ses propres juristes. Le recours préventif et massif à des avocats donne à penser qu’elle ne se sent pas trop à l’aise face à ce dossier où, en arguant de la propriété intellectuelle, elle a multiplié les exceptions aux règles de la commande publique.

Héron solitaire

Cependant, le marché de contrôle technique entrouvre aussi une porte de sortie. Les rallonges du 4 octobre 2019 étaient explicitement imputées au poste budgétaire « Arbre aux Hérons – Études ». Le contrôle technique ne se limite plus aux études. L’appel d’offres porte sur une « attraction destinée à accueillir 15 à 20 passagers ». Il spécifie que la mission englobera un « contrôle technique initial des matériels neufs ».

Cette opération prévue par l’arrêté du 12 mars 2009 sur la sécurité des manèges doit être effectuée « lors de la première mise en service et avant l’ouverture au public des matériels ». C’est-à-dire que Nantes Métropole se ménage la possibilité de mettre en service ce héron solitaire comme une attraction à part entière – en principe à l’été 2021.Quid de l’Arbre ensuite ? Eh bien, on verra…

Sven Jelure

P.S. Au même moment, Le Voyage à Nantes, lui aussi familier du tango entre commande publique et propriété intellectuelle, recrute un juriste chargé de veiller à la régularité de ses achats. Les grands esprits se rencontrent.

Travaux au CHU : Johanna Rolland en quête d’image

Comme disait ma grand-mère, à faire et à défaire, on n'est pas à rien faire. Mais avec quel argent ?

Nantes aura bientôt ( ?) un nouveau CHU. C’est du moins ce qu’annonce le programme de Johanna Rolland pour ce second mandat municipal. Mais, en attendant, les travaux continuent sur le site du centre hospitalier appelé à disparaître. C’est ainsi qu’un nouveau “plateau d’imagerie” est en train de sortir de terre, le long de la ligne de tram.

Décidément, à Nantes, tout semble possible, y compris de construire, en 2020, un bâtiment appelé à être rasé dans quelques années. Le site de l’actuel centre hospitalier devrait en effet laisser place à un “parc nourricier”, demain ou… après-demain ! L’actuel CHU de Nantes va donc s’agrandir et se doter d’un “plateau d’imagerie” au top du top : on y pratiquera de l’imagerie moléculaire multimodale.  Si cet outil semble indispensable pour appuyer le travail de l’équipe mult­­idisciplinaire du Centre de recherche en cancérologie et immunologie, on reste perplexe devant la gestion des équipements et la politique d’investissement du CHU.

En janvier 2018, l’actuel CHU présentait déjà “un nouveau plateau technique opérationnel d’imagerie et d’endoscopie”. Très officiellement, il s’agissait “de fluidifier le parcours des patients et d’offrir une prise en charge innovante”. Il est vrai que ce plateau recevait 37 patients par jour en moyenne et que les conditions d’accueil étaient loin d’être satisfaisantes. D’où ce premier investissement d’un montant (modeste) de 3 millions d’euros. Il s’agissait, à moindres frais, d’augmenter l’attractivité du CHU et de favoriser la chirurgie ambulatoire. Ce que Ouest-France résumait d’une formule “plus d’imagerie pour moins de bistouris” (10 janvier 2018).

Johanna repasse le plateau !

Les travaux en cours, boulevard Jean Monnet, sont d’une toute autre nature. On construit en effet un nouveau “plateau d’imagerie”. Comme si l’actuel CHU était appelé à se développer sur le site actuel et non à déménager, sur l’île de Nantes, dans les 5/6 ans qui viennent si on en croit Johanna Rolland. Malgré les réticences de ses alliés verts et de l’opposition et les questions sur l’accès au nouveau site et son caractère inondable en cas de crues historiques. Passons sur la suppression, prévue, de 300 lits et les interrogations sur l’avenir de l’Institut de cancérologie de l’Ouest installé, lui, à l’Hôpital Laennec (Hôpital Nord). Un institut  où travaillent près d’une  centaine de médecins et qui a bénéficié d’investissements lourds comme cet Arronnax (accélérateur pour la recherche en radiochimie et en oncologie), une sorte de cyclotron qu’il est impossible de déménager. L’outil a coûté quelque 37 millions d’euros.

Depuis des mois, on nous redit que l’hôpital aurait besoin d’argent. Manifestement, celui de Nantes n’en manque pas. 3 millions d’euros en 2018 pour le “plateau technique opérationnel”. Combien en 2020 pour ce nouveau plateau d’imagerie actuellement en construction ? Il suffit de poser la question à Johanna Rolland. En tant que maire de Nantes, elle préside en effet le conseil d’administration du CHU. On peut donc penser que ce projet de construction a reçu son feu vert. Du coup, on peut s’interroger sur la stratégie de la municipalité quant à la gestion du dossier hospitalier. Si l’actuel CHU n’a plus aucun avenir, à très court terme, sur son site actuel, il n’y a aucune raison d’investir dans la construction de nouveaux bâtiments. À moins que, s’agissant d’argent public, la question ne se pose pas.

Comme d’autres, le sujet du transfert du CHU a été (habilement ?) escamoté lors de la campagne des municipales. Tout juste a-t-on noté le ralliement de Valérie Oppelt au projet de transfert, projet que son collègue, candidat de la République en marche à Saint-Herblain qualifiait d’absurde. Nul doute qu’on reparlera de ce dossier dans les mois et les années qui viennent. Et il n’est pas sûr que l’image de la maire de Nantes en sorte grandie… malgré ce nouveau plateau d’imagerie qu’elle devrait logiquement inaugurer en 2021.

J.C.

 

Bal masqué au château des ducs de Bretagne

Anne de Bretagne donne l'exemple

Le préfet de Vendée s’est empressé de retirer le relatif avantage qu’il avait accordé à la Cinéscénie du Puy du Fou. Elle revenait à considérer que ses gradins en plein air étaient divisibles en trois enceintes distinctes pouvant accueillir chacune trois mille spectateurs. Total neuf mille spectateurs, là où d’autres, indivisibles ou en tout cas indivisés, étaient limités à cinq mille.

Nantes a bien failli connaître une exception plus remarquable encore. Quand l’arrêté préfectoral imposant le port du masque dans le centre-ville a été publié, la semaine dernière, une encoche bien visible avait été pratiquée dans le périmètre concerné. Elle exemptait de masque le château des ducs de Bretagne.

le périmètre initial...
En plus de la ligne verte, une ligne rouge virtuelle à Nantes…

Plus de 1,5 millions de visiteurs y pénètrent chaque année. Au moins dix mille personnes quotidiennement les bons jours d’été. On peut y accéder par les douves, au Sud, ou par le pont de Secours, au Nord. Mais le fait est que la quasi-totalité des visiteurs pénètrent par l’entrée principale, le pont-levis de la place Marc-Elder. Soit près de 20 000 passages par jour, donc, sur un pont-levis de trois mètres de large et sous un porche balayé de courants d’air. Une promiscuité que la rue Crébillon, la rue de la Marne et autres n’égalent sans doute pas, même aux heures de pointe.

À Nantes, cependant, le préfet n’a pas eu besoin de se déjuger : le Voyage à Nantes a préféré décliner discrètement le cadeau. Il a lui-même rendu le masque obligatoire « sur l’ensemble des espaces accessibles du château ». On ne peut le retirer que sur les espaces inaccessibles.

Le Voyage à Nantes n’a pas poussé le souci de prophylaxie jusqu’imposer le masque aux Machines de l’île. S’il est obligatoire dans la Galerie des Machines, le Grand éléphant et le Carrousel des mondes marins, il ne l’est pas au sein des groupes ardents qui accompagnent les pérégrinations de l’éléphant. Ni chez les parents massés autour du petit manège d’Andréa. Ni dans la queue qui s’étire devant La Fraiseraie. Ni ‑ mais là on revient aux décisions du préfet ‑ sur le pont Anne de Bretagne, où se croisent les foules de visiteurs arrivant par la ligne 1 du tram.

Sven Jelure

Nantes plus mouillée – le sacre de la dame-pipi 

Nantes ose plus :)

« Cachez ce pubis que je ne saurais voir », s’étaient exclamées des âmes prudes à l’annonce de l’arrivée de Fontaine, une statue d’Elsa Sahal, place Royale. Si son titre ne dénote pas une grande imagination, il en faut en revanche, de l’imagination, pour voir un pubis dans ce gros haricot rose juchés sur deux poteaux en grès émaillé. Ça n’est pas la Naissance de Vénus

D’une petite fente ménagée dans l’engin devrait jaillir un filet d’eau. Certains veulent y voir une « vulve pissante ». Voire même, pour quelques-uns, une évocation pédophile : la statuette serait le pendant femelle du Maneken-Pis bruxellois. Le pédophile qui y voit vraiment ça doit être plus tordu encore qu’on ne l’aurait cru. 

Mais les protestations font sans doute les affaires de Jean Blaise et de ses troupes. Car avant de débarquer place Royale, cette œuvre a pas mal traîné ses guêtres, au jardin des Tuileries et en maints autres lieux. Une fois de plus, le Voyage à Nantes tente de donner une seconde jeunesse à une installation déjà bien connue. Comme on ne peut pas brûler une cathédrale tous les mois pour rester sous les feux de l’actualité, rien de tel qu’un petit parfum de scandale, même éventé.

Pendant ce temps-là, l’installation du Rideau (quelle débauche d’imagination dans les titres du Voyage à Nantes, cette année !) de Stéphane Thidet progresse sur la place Graslin. En ce mardi ensoleillé, de premiers essais ont confirmé notre prophétie : ça va faire du bruit ! On ne s’entendra plus parler sur la place Graslin, et pas seulement parce qu’on sera bouche bée d’émerveillement.

 Rideau d’eau de Graslin

Et tant que nous en sommes au chapitre aquatique, que devient la fontaine miraculeuse du pont Anne de Bretagne ? Eh bien, hier soir, elle était toujours là, et en pleine forme. La sécheresse à Nantes, ça n’existe pas.

Sven Jelure

Plus de chutes d’eau à Nantes : un miracle en période de sécheresse touristique

Le premier vrai miracle breton. Bravo Jean Blaise, merci Johanna Rolland

Depuis un mois, une fontaine d’eau claire coule sous le pont Anne de Bretagne. Au début, on aurait pu croire à un stratagème du Voyage à Nantes. Celui-ci vient d’obtenir que la cité des ducs de Bretagne soit labellisée destination touristique bretonne, et un petit miracle sous un pont consacré à notre Duchesse aurait braqué sur notre bonne ville l’intérêt des médias internationaux. De chute d’eau en chute d’eau, la com’ de la cataracte de Stéphane Thidet sur le théâtre Graslin serait bien assurée.

Hélas, de miracle, il n’y aurait point, assure Olivier Quentin, de France 3. Bien que parfaitement limpide, cette eau ne vient pas du service d’eau, ont déterminé les experts en adduction de Nantes Métropole. Ils ont trouvé une autre source : le réseau d’eau pluviale. Il serait bouché en contrebas, d’où fuite.

Mais… mais il n’a pour ainsi dire pas plu depuis le 26 juin et la fontaine ne fait pas mine de s’assécher. Par dessus le marché, ce liquide paraît bien clair pour de l’eau qui a rincé les pavés. Miracle quand même, donc ? Non, assure encore France 3, toujours sur la foi des mêmes experts. L’eau viendrait en fait de la Loire, via des nappes phréatiques « qui ne sont qu’à quelques mètres de la surface du sol » et qui se déverseraient dans ce réseau d’eau pluviale pas étanche.

Mais… mais en vertu de cette explication, la fontaine devrait jaillir quelques mètres au-dessous de la surface du sol naturel, ce qui n’est pas le cas. Le niveau du sol pas naturel des Chantiers n’est plus élevé que de deux ou trois mètres. Son point d’écoulement est aussi plus élevé que le niveau de la Loire, même à marée haute.

Donc miracle quand même. Manquerait plus que sainte Anne se montre à des passants à côté de la fontaine en leur demandant de prier pour la réunification de la Bretagne. Certes, les soubassements du pont n’évoquent que de très loin la grotte de Massabielle, mais justement, ils formeraient le décor idéal d’un miracle bien de son époque. À défaut de touristes, le Voyage à Nantes pourrait racoler les pèlerins : à chacun son petit flacon d’eau de Nantes miraculeuse.

Sven Jelure

Plus de promesses que de pépètes pour l’Arbre aux Hérons

Les mécènes se bousculent pour financer le projet le plus f(L)ou

Le Fonds de dotation Arbre aux Hérons et Jardin extraordinaire a publié ses comptes annuels ce lundi, avec trois semaines de retard sur le délai légal. Quand on est si peu pressé, en général, c’est que la situation n’est pas brillante…

Sur le papier, pourtant, tout devrait baigner. Créé en 2017, le Fonds obéit à un objectif clair et bien délimité : il a été créé pour récolter auprès d’entreprises et de particuliers un tiers du budget nécessaire à l’Arbre aux Hérons. Soit, pour un total de 35 millions d’euros annoncé (mais on sait déjà que ce sera plus), une petite douzaine de millions.

Facile, laissaient entendre les promoteurs de l’Arbre, Pierre Orefice et François Delarozière, depuis des années. Ils assuraient avoir obtenu des promesses de financement d’au moins une quarantaine d’entreprises. Celles-ci n’avaient rien versé avant 2019 pour une raison fiscale : l’administration n’avait pas encore promis que les dons bénéficieraient du régime du mécénat, c’est-à-dire que 60 % de leur montant serait en réalité supporté par la collectivité sous forme de réduction d’impôt. Ce qui change tout…

D’abord refusé, le « rescrit » fiscal espéré a enfin été accordé le 17 juillet 2019. Les donateurs censés piaffer d’impatience ont enfin pu payer leur écot. Un raz-de-marée financier ? Hélas non.

La volonté libérale du mécène

Les mécènes du Fonds sont répartis par grades, comme dans l’armée, en fonction non de leurs mérites mais du montant de leur don. On distingue ainsi le Héron impérial (don d’au moins 500.000 euros), le Héron goliath (au moins 200.000), le Grand héron (au moins 50.000) et le Héron cendré (au moins 5.000). À fin 2019, le Fonds affichait seulement 1 Héron impérial (Crédit Mutuel), 0 Héron goliath, 10 Grands hérons (Cryo-West, SFCMM, Adekma, Harmonie Mutuelle, UIMM, Maison Berjac, Atlantis, Les Pépinières du Val d’Erdre, Dintec, Brémond) et 6 Hérons cendrés (Plein Centre, CEMétal, Guilberteau, Eugénie, Bélénos, Thierry Immobilier).

Le Crédit Mutuel avait annoncé 2,5 millions et le total des seize autres représentait un plancher d’au moins 530.000 euros. Le Fonds aurait donc dû percevoir au moins 3 millions d’euros en 2019. En fait, il n’a obtenu que 2,6 millions d’euros. Du moins, sur le papier, car il s’agit de promesses pour une bonne part. En réalité, il avait moins de 666.000 euros en caisse à fin 2019 : à peine plus du double qu’à fin 2018 et même pas 6 % de la somme nécessaire pour couvrir le tiers du coût de l’Arbre aux Hérons affecté au secteur privé. Une partie de cet encaisse représente ce qui reste de la collecte effectuée auprès des particuliers via Kickstarter.

Pourquoi cet écart entre les dons annoncés et l’argent réellement détenu ? Parce que la réglementation permet aux Fonds de dotation de comptabiliser d’un seul coup l’argent qui leur est promis. Comme le dit pudiquement le commissaire aux comptes du fonds de dotation, « la créance constatée vis-à vis du mécène ne sera recouvrable que par la volonté libérale du mécène et s’apurera au fur et à mesure des encaissements ». Autrement dit, l’argent rentrera… si le mécène le veut bien. Certains mécènes prudents ont sans doute pris leurs précautions : ils paieront quand l’Arbre verra le jour !

Un fonds qui coûte cher

Le résultat est mince, pour un Fonds dont le travail essentiel aurait dû se borner à relever les compteurs. Mais c’est sûrement un gros travail quand même puisque le Fonds a versé plus de 167.000 euros de salaires et charges sociales en 2019. Au total, il a coûté  plus de 400.000 euros en 2019 pour en faire rentrer quelques centaines de milliers.

Ce travail, qu’on se rassure, a continué à porter ses fruits en 2020 puisqu’une douzaine d’autres mécènes ont été entrés en portefeuille au premier semestre, dont quatre gros donateurs (Intermarché, Bati-Nantes, Charier, IDÉA Groupe). Mais c’était avant le confinement. Un seul donateur, le promoteur Marignan, a signé au-delà de la mi-mars.

Pour l’avenir, le commissaire aux comptes se montre optimiste. À propos du rescrit fiscal, il écrit : « les dons et versements réalisés [au profit du Fonds] ouvrent droit à réduction d’impôt au profit du donateur dans la mesure où ils sont strictement et exclusivement affectés au projet de l’Arbre aux hérons et du jardin extraordinaire ». Là, il extrapole un peu. Le rescrit ne couvre que la construction de l’Arbre aux Hérons. La création d’un jardin public répond-elle aux conditions de l’article 200 b du CGI ? On attend la réponse de l’administration.

Sven Jelure

Grand orgue : appel au miracle

trouver un nouvel orgue

Ses propres protagonistes qualifient l’Arbre aux hérons de « projet fou ». Le diagnostic paraît excessif. « Projet débile » suffirait. De toute manière, il semble que la guérison soit proche. Comme Nantes plus l’a déjà dit, la transformation du Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons en Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons et du Jardin extraordinaire pourrait bien présager un repli sur des positions préparées à l’avance.

Serait-il pas tristounet, quand même, que les mécènes qui avaient espéré contribuer à une réalisation un peu spéciale voient leur bon argent déversé dans le pot commun d’un Nième jardin public ? À leur place, on se rebifferait contre cette perspective. Ils ont signé une convention avec le Fonds de dotation. Celle-ci prévoyait-elle que l’objet du Fonds pourrait être modifié à volonté ? Probablement pas. Auquel cas, ils pourraient retirer leurs billes d’un projet qui n’est plus celui pour lequel ils avaient signé.

Et voici l’occasion de le faire sans paraître mesquin, en donnant à une cause autrement plus méritoire. On aura sûrement besoin de mécènes pour rebâtir le grand orgue de la cathédrale de Nantes. Après tout, comme l’Arbre aux Hérons, c’est d’abord une histoire de tubes métalliques. Nantes Métropole pourrait même faire de nécessité vertu et prendre l’initiative de ce transfert. Il lui suffirait de faire pivoter son fonds une fois de plus pour le transformer en Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons et du Jardin Extraordinaire et du Grand orgue de la cathédrale.

Sven Jelure

Statuts déboulonnés pour l’Arbre aux Hérons

Ce qui est bien avec Johanna, c'est qu'on a toujours des surprises ;)

Tandis qu’ici et là on déboulonne des statues, l’Arbre aux Hérons, lui, n’est peut-être pas près d’être boulonné. Comme tout fonds de dotation, le Fonds de dotation Arbre aux Hérons doit publier ses comptes au Journal officiel dans les six mois suivant la fin de son exercice. Vu les brillants résultats de 2019, on comptait donc sur une publication glorieuse le 30 juin, voire plus tôt. Cruelle déception : elle n’est pas venue. Mais le Fonds a quand même publié quelque chose…

Le Journal officiel du 4 juillet annonce que le Fonds de dotation Arbre aux Hérons devient le Fonds de dotation Arbre aux Hérons et Jardin Extraordinaire. Pas vraiment une nouveauté : ce changement de nom et de périmètre a été validé par le conseil métropolitain du 4 octobre 2019, puis par le conseil d’administration du Fonds le 19 décembre. Le Fonds avait alors trois mois pour déclarer le changement à la préfecture de Loire-Atlantique. Il lui en a fallu six.

Le changement de nom et d’objet peut répondre à deux hypothèses à la fois opposées et convergentes :

1) Si par bonheur le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons croulait sous des dons supérieurs aux besoins de la construction, autant que le Jardin Extraordinaire, c’est-à-dire Nantes Métropole, profite de cette manne.

2) Si par malheur la réalisation de l’Arbre aux Hérons devait être abandonnée, autant que le Jardin Extraordinaire, c’est-à-dire Nantes Métropole, profite de l’argent qui resterait en caisse.

Le conseil métropolitain s’inscrivait dans la première hypothèse. « Les entreprises privées contributrices pourront ainsi œuvrer pour la construction d’un projet global : l’Arbre aux Hérons dans le Jardin Extraordinaire », expliquait-il. Puisque le projet était « global », le Jardin n’était pas envisageable sans l’Arbre, et réciproquement. Mais dans les nouveaux statuts du Fonds, le global fait place à une juxtaposition. Il s’agit juste de « participer au financement de l' »Arbre aux Hérons » et du jardin extraordinaire ». Il n’y aura pas d’Arbre sans Jardin, mais il peut très bien y avoir un Jardin sans Arbre.

Le mutisme de Kickstarter

Quant à l’avalanche d’argent, on sait que, à ce jour, les dons des entreprises n’atteignent même pas la moitié du budget nécessaire. Pourquoi prétendre participer en plus au financement du Jardin Extraordinaire si l’on n’a déjà pas de quoi financer l’Arbre aux Hérons ? Le changement des statuts augure donc mal de l’avenir du projet.

Et les choses pourraient s’aggraver. Une modification des statuts n’est opposable aux tiers qu’à partir de sa publication. Ici, donc, à partir du 4 juillet. Tous les mécènes du Fonds qui ont signé avant cette date pourraient demander à récupérer leurs billes, faisant valoir qu’ils se sont engagés sur autre chose. D’autant plus que l’Arbre est devenu beaucoup moins consensuel à Nantes depuis que les écolos n’en veulent plus.

À la trentaine d’entreprises concernées s’ajoutent les 5 511 contributeurs de Kickstarter. Au printemps 2018, ils ont apporté leur bon argent à un Arbre qui devait être achevé au printemps 2022. En découvrant le changement des statuts, plus d’un aura l’impression de s’être fait empapaouter. Mais personne ne les a avertis jusqu’à présent, pas plus le Fonds que le créateur officiel du projet, Bruno Hug de Larauze. Qui, d’après les règles de Kickstarter devrait les rembourser si le projet initial n’était pas réalisé. Kickstarter va-t-il intervenir pour défendre ses ouailles ? Même à dos de héron, c’est encore loin l’Amérique.

Sven Jelure

Viva Johanna ?

La carpe et la lapine.

L’armée mexicaine derrière JR

Voilà donc reconstitué le duo Rolland-Laernoes à la barre de l’exécutif nantais. Comme un remake de Viva Maria !  Dans le film de Louis Malle, Bardot et Moreau faisaient une révolution d’opérette en Amérique du sud. Sur fond de musique et de chansons (!) au texte prémonitoire :
« La tête, y en a qu’une, ah non, y en a deux… ». Comme un air de déjà vu pour les Nantais… Alors, Viva Johanna ? 

« Près de 60 % des Nantaises et des Nantais ont choisi la liste Ensemble Nantes en confiance… ». À peine enregistrés les résultats (sans surprise…) du second tour des municipales nantaises, Johanna Rolland fêtait ce plébiscite sur Facebook et Twitter. Un triomphe, vraiment ? S’il y avait bien quelques commentateurs à faire grise mine devant un taux record d’abstentions, personne n’a osé indiquer à Mme la maire qu’elle venait d’être confortablement élue par… 17,85% des électeurs inscrits ! Personne non plus n’a osé contredire Pascal Bolo, sur le plateau de Télénantes, lorsqu’il a évoqué “la dynamique de l’union”. Une dynamique si spectaculaire que le duo Rolland-Laernoes a fait moins bien que les deux têtes de listes, séparément, au premier tour. Ce 28 juin au soir, il manquait quelque 3000 voix à la liste d’union. Une performance que, seule, Valérie Oppelt a égalée. C’est dire l’impact de la dynamique… Ne soyons pas cruels et ne rappelons pas, non plus, à l’heureuse élue qu’elle a perdu près de 18 000 voix (17 883 précisément) entre 2014 et 2020.

Non technocrates, s’abstenir

Malgré l’abstention record, la liste Rolland-Laernoes dispose d’une majorité très confortable, tant à la Ville qu’à la Métropole. Une majorité amplement suffisante pour régner sans partage. Personne n’ayant vraiment pris le temps d’éplucher les 323 engagements de la liste (cf “Le duo qui vous en promet plus”), on n’en voudra pas aux observateurs politiques locaux de ne pas commenter davantage la répartition des postes et l’intitulé des délégations et responsabilités des élus.

Les anciens parleraient de sabir. En 2020, place à la novlangue, chère à Orwell. Un langage que seuls comprennent vraiment ceux qui le parlent. Un langage de l’entre-soi qui ne manquerait pas d’inspirer à Molière une version contemporaine de son Bourgeois. Non technocrates, s’abstenir.

Moins les responsabilités sont importantes, plus il convient que le titre soit ronflant. À défaut de décrocher le poste de première adjointe, Julie Laernoes se voit ainsi “en charge de la prospective et de la résilience”. L’ex-tête de liste des Verts est donc censée plancher sur les prévisions économiques à long terme. Ça, c’est la prospective mais quid de la résilience ? De quel traumatisme doit-elle nous aider à nous remettre ? Ou bien s’agit-il, pour elle, de se remettre d’un score au premier tour très en deça de ses ambitions ?

La longue liste des délégations est une succession de formules dignes d’une comédie de boulevard. Il y a ainsi un adjoint aux sports (Ali Rebouh) mais il convenait d’adjoindre à l’adjoint un conseiller en charge des pratiques sportives libres (Francky Trichet) et une autre en charge du développement du sport au féminin (Émilie Bourdon)… On trouve aussi une élue “en charge de la mixité dans l’emploi”, un autre “de la ville du ¼ d’heure et de la logistique du dernier kilomètre” (sic), un autre du “territoire zéro chômeur de longue durée”, un autre “en charge de l’animal dans la ville”, un autre est chargé de veiller à la quotidienneté … On aurait pu imaginer pour Christophe Jouin, co-fondateur de L’autre cantine et “enfarineur” de Johanna Rolland, une délégation aux desserts des cantines scolaires… il hérite des dossiers santé et précarité. Enfin, on trouve un élu “délégué au développement des cultures potagères”. Ça ne s’invente pas.

Officiers et petits soldats

26 adjoints, pas un de moins : Johanna Rolland sera bien épaulée. La voilà à la tête d’une véritable armée mexicaine. De quoi amuser la galerie. En réalité, peu de changements à attendre de cette nouvelle équipe municipale tant elle ressemble, dans sa structure, à celle qui était aux affaires depuis 2014. Même si Madame la maire a dû composer avec ses alliés verts et faire quelques concessions qui ont fait grincer quelques dents dans son propre camp. Comme l’abandon de l’extension de la Cité des congrès, serpent de mer ou patate chaude au choix, qui refait surface tous les six ans. Ou encore le parking souterrain de la Petite Hollande dans le cadre du réaménagement de ce vaste espace entre Kervégan et la Loire. Et que dire du projet de transfert du CHU… Les sujets de friction ne manqueront pas au cours des six ans qui viennent.

Pour “tenir la baraque”, Johanna Rolland pour s’appuyer sur quelques grognards, fidèles par conviction ou par intérêt. Son premier adjoint Bassem Asseh, qui cumule les responsabilités de la proximité, du dialogue citoyen, de la politique de la ville, du monde économique et de l’emploi, bénéficie du recul de Pascal Bolo dans l’organigramme municipal. Ce dernier paie sans doute sa proximité avec Jean-Marc Ayrault mais aussi l’imbroglio et l’échec de l’opération YelloPark. S’il n’est plus que 7e adjoint, Pascal Bolo n’en cumule pas moins la sécurité, la tranquillité publique, les finances, l’évaluation des politiques publiques, les affaires générales, domaniales et juridiques… Non seulement il garde les cordons de la bourse mais c’est lui qui donnera les bonnes notes (ou non…) à ses petits camarades.

Le duo Rolland-Laernoes – où la rivalité le dispute à la complémentarité – semble paré pour un remake de Viva Maria. Un coup d’œil sur Wikipedia nous apprend que “pour la bataille, à la fin du film, on avait fait appel à de nombreux figurants… parmi eux il y avait des membres de bandes rivales qui en ont profité pour régler leurs comptes avec des balles réelles”. Résultat ? Des belles perdues (pas pour tout le monde !) et quelques blessés ». Voilà qui nous promet des conseils municipaux et métropolitains explosifs. Du boulot en perspective pour l’adjoint en charge de la sécurité, un certain… Pascal Bolo !

 

 

 

Un programme en béton

Jusqu'ici tout est laid

Nantes : on prend les mêmes…

Ainsi donc le nouveau mandat municipal sera plus vert que jamais. Julie Laernoes s’était réjouie, devant ses amis, d’avoir fait plier Johanna Rolland. Et obtenu quelques concessions majeures. Il n’en reste pas moins que la Ville continue de bétonner…  comme avant.

Il en est ainsi à deux pas du futur ex-CHU. Le passage Kernéis (*), menant à l’auditorium du même nom, se glisse en effet désormais entre un parking des années 60, à l’état d’abandon, et une longue palissade. Cachez ce chantier que je ne saurais voir. Alors que le transfert du CHU est toujours au programme de Johanna Rolland, on construit un “bâtiment universitaire santé”, à proximité immédiate des facultés de médecine et de pharmacie. Dans le cadre d’un aménagement dont la cohérence n’échappera à personne, on déménage le CHU mais on agrandit le pôle universitaire santé à proximité d’un futur “parc nourricier” qui, selon le programme municipal validé par les Verts, remplacera l’actuel ensemble hospitalier. Vous suivez ?

« … tout est laid »

Il y a un an, l’emplacement était encore un terrain vaguement vague où les étudiants en médecine pouvaient prendre le soleil (ou simplement l’air…) entre deux cours. Dans un premier temps, les bancs ont été enlevés.  Et le reste a suivi. Les riverains dont les balcons donnaient sur cet espace verront bientôt les quatre étages de béton leur boucher l’horizon. On aurait pu, à moindres frais, aménager ici un “parc nourricier” mais pourquoi faire simple ? C’est de l’autre côté de la rue Gaston Veil que Johanna Rolland et son équipe ont prévu de planter leurs légumes.

On bétonne donc un espace de terre cultivable pour, dans 5 à 10 ans, dépenser quelques dizaines de millions d’euros pour “nettoyer” le vaste terrain actuellement occupé par le CHU pour y aménager ce fameux parc nourricier dont la ville a tant besoin. “Le projet était lancé…”, concède une Julie Laernoes en mal d’arguments. Avant le second tour des municipales, elle menait, avec Margot Medkour de Nantes en commun, une virulente campagne contre la “bétonisation” de Nantes. La campagne terminée (et les postes d’adjoints obtenus ?), les travaux peuvent continuer.

Le mot de la fin pourrait bien revenir à cet étudiant, sans doute un rien potache, qui donne son sentiment sur les travaux en cours : Jusqu’ici, tout est laid. Le second mandat de Johanna Rolland ne faisant que commencer, ce n’est sans doute qu’un début.

(*) Jean-Pierre Kernéis, disparu en 1999, était professeur agrégé d’anatomie pathologique. Il fut doyen de la faculté de médecine et de pharmacie et le premier président de l’Université de Nantes.