Statuts déboulonnés pour l’Arbre aux Hérons

Ce qui est bien avec Johanna, c'est qu'on a toujours des surprises ;)

Tandis qu’ici et là on déboulonne des statues, l’Arbre aux Hérons, lui, n’est peut-être pas près d’être boulonné. Comme tout fonds de dotation, le Fonds de dotation Arbre aux Hérons doit publier ses comptes au Journal officiel dans les six mois suivant la fin de son exercice. Vu les brillants résultats de 2019, on comptait donc sur une publication glorieuse le 30 juin, voire plus tôt. Cruelle déception : elle n’est pas venue. Mais le Fonds a quand même publié quelque chose…

Le Journal officiel du 4 juillet annonce que le Fonds de dotation Arbre aux Hérons devient le Fonds de dotation Arbre aux Hérons et Jardin Extraordinaire. Pas vraiment une nouveauté : ce changement de nom et de périmètre a été validé par le conseil métropolitain du 4 octobre 2019, puis par le conseil d’administration du Fonds le 19 décembre. Le Fonds avait alors trois mois pour déclarer le changement à la préfecture de Loire-Atlantique. Il lui en a fallu six.

Le changement de nom et d’objet peut répondre à deux hypothèses à la fois opposées et convergentes :

1) Si par bonheur le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons croulait sous des dons supérieurs aux besoins de la construction, autant que le Jardin Extraordinaire, c’est-à-dire Nantes Métropole, profite de cette manne.

2) Si par malheur la réalisation de l’Arbre aux Hérons devait être abandonnée, autant que le Jardin Extraordinaire, c’est-à-dire Nantes Métropole, profite de l’argent qui resterait en caisse.

Le conseil métropolitain s’inscrivait dans la première hypothèse. « Les entreprises privées contributrices pourront ainsi œuvrer pour la construction d’un projet global : l’Arbre aux Hérons dans le Jardin Extraordinaire », expliquait-il. Puisque le projet était « global », le Jardin n’était pas envisageable sans l’Arbre, et réciproquement. Mais dans les nouveaux statuts du Fonds, le global fait place à une juxtaposition. Il s’agit juste de « participer au financement de l' »Arbre aux Hérons » et du jardin extraordinaire ». Il n’y aura pas d’Arbre sans Jardin, mais il peut très bien y avoir un Jardin sans Arbre.

Le mutisme de Kickstarter

Quant à l’avalanche d’argent, on sait que, à ce jour, les dons des entreprises n’atteignent même pas la moitié du budget nécessaire. Pourquoi prétendre participer en plus au financement du Jardin Extraordinaire si l’on n’a déjà pas de quoi financer l’Arbre aux Hérons ? Le changement des statuts augure donc mal de l’avenir du projet.

Et les choses pourraient s’aggraver. Une modification des statuts n’est opposable aux tiers qu’à partir de sa publication. Ici, donc, à partir du 4 juillet. Tous les mécènes du Fonds qui ont signé avant cette date pourraient demander à récupérer leurs billes, faisant valoir qu’ils se sont engagés sur autre chose. D’autant plus que l’Arbre est devenu beaucoup moins consensuel à Nantes depuis que les écolos n’en veulent plus.

À la trentaine d’entreprises concernées s’ajoutent les 5 511 contributeurs de Kickstarter. Au printemps 2018, ils ont apporté leur bon argent à un Arbre qui devait être achevé au printemps 2022. En découvrant le changement des statuts, plus d’un aura l’impression de s’être fait empapaouter. Mais personne ne les a avertis jusqu’à présent, pas plus le Fonds que le créateur officiel du projet, Bruno Hug de Larauze. Qui, d’après les règles de Kickstarter devrait les rembourser si le projet initial n’était pas réalisé. Kickstarter va-t-il intervenir pour défendre ses ouailles ? Même à dos de héron, c’est encore loin l’Amérique.

Sven Jelure

Viva Johanna ?

La carpe et la lapine.

L’armée mexicaine derrière JR

Voilà donc reconstitué le duo Rolland-Laernoes à la barre de l’exécutif nantais. Comme un remake de Viva Maria !  Dans le film de Louis Malle, Bardot et Moreau faisaient une révolution d’opérette en Amérique du sud. Sur fond de musique et de chansons (!) au texte prémonitoire :
« La tête, y en a qu’une, ah non, y en a deux… ». Comme un air de déjà vu pour les Nantais… Alors, Viva Johanna ? 

« Près de 60 % des Nantaises et des Nantais ont choisi la liste Ensemble Nantes en confiance… ». À peine enregistrés les résultats (sans surprise…) du second tour des municipales nantaises, Johanna Rolland fêtait ce plébiscite sur Facebook et Twitter. Un triomphe, vraiment ? S’il y avait bien quelques commentateurs à faire grise mine devant un taux record d’abstentions, personne n’a osé indiquer à Mme la maire qu’elle venait d’être confortablement élue par… 17,85% des électeurs inscrits ! Personne non plus n’a osé contredire Pascal Bolo, sur le plateau de Télénantes, lorsqu’il a évoqué “la dynamique de l’union”. Une dynamique si spectaculaire que le duo Rolland-Laernoes a fait moins bien que les deux têtes de listes, séparément, au premier tour. Ce 28 juin au soir, il manquait quelque 3000 voix à la liste d’union. Une performance que, seule, Valérie Oppelt a égalée. C’est dire l’impact de la dynamique… Ne soyons pas cruels et ne rappelons pas, non plus, à l’heureuse élue qu’elle a perdu près de 18 000 voix (17 883 précisément) entre 2014 et 2020.

Non technocrates, s’abstenir

Malgré l’abstention record, la liste Rolland-Laernoes dispose d’une majorité très confortable, tant à la Ville qu’à la Métropole. Une majorité amplement suffisante pour régner sans partage. Personne n’ayant vraiment pris le temps d’éplucher les 323 engagements de la liste (cf “Le duo qui vous en promet plus”), on n’en voudra pas aux observateurs politiques locaux de ne pas commenter davantage la répartition des postes et l’intitulé des délégations et responsabilités des élus.

Les anciens parleraient de sabir. En 2020, place à la novlangue, chère à Orwell. Un langage que seuls comprennent vraiment ceux qui le parlent. Un langage de l’entre-soi qui ne manquerait pas d’inspirer à Molière une version contemporaine de son Bourgeois. Non technocrates, s’abstenir.

Moins les responsabilités sont importantes, plus il convient que le titre soit ronflant. À défaut de décrocher le poste de première adjointe, Julie Laernoes se voit ainsi “en charge de la prospective et de la résilience”. L’ex-tête de liste des Verts est donc censée plancher sur les prévisions économiques à long terme. Ça, c’est la prospective mais quid de la résilience ? De quel traumatisme doit-elle nous aider à nous remettre ? Ou bien s’agit-il, pour elle, de se remettre d’un score au premier tour très en deça de ses ambitions ?

La longue liste des délégations est une succession de formules dignes d’une comédie de boulevard. Il y a ainsi un adjoint aux sports (Ali Rebouh) mais il convenait d’adjoindre à l’adjoint un conseiller en charge des pratiques sportives libres (Francky Trichet) et une autre en charge du développement du sport au féminin (Émilie Bourdon)… On trouve aussi une élue “en charge de la mixité dans l’emploi”, un autre “de la ville du ¼ d’heure et de la logistique du dernier kilomètre” (sic), un autre du “territoire zéro chômeur de longue durée”, un autre “en charge de l’animal dans la ville”, un autre est chargé de veiller à la quotidienneté … On aurait pu imaginer pour Christophe Jouin, co-fondateur de L’autre cantine et “enfarineur” de Johanna Rolland, une délégation aux desserts des cantines scolaires… il hérite des dossiers santé et précarité. Enfin, on trouve un élu “délégué au développement des cultures potagères”. Ça ne s’invente pas.

Officiers et petits soldats

26 adjoints, pas un de moins : Johanna Rolland sera bien épaulée. La voilà à la tête d’une véritable armée mexicaine. De quoi amuser la galerie. En réalité, peu de changements à attendre de cette nouvelle équipe municipale tant elle ressemble, dans sa structure, à celle qui était aux affaires depuis 2014. Même si Madame la maire a dû composer avec ses alliés verts et faire quelques concessions qui ont fait grincer quelques dents dans son propre camp. Comme l’abandon de l’extension de la Cité des congrès, serpent de mer ou patate chaude au choix, qui refait surface tous les six ans. Ou encore le parking souterrain de la Petite Hollande dans le cadre du réaménagement de ce vaste espace entre Kervégan et la Loire. Et que dire du projet de transfert du CHU… Les sujets de friction ne manqueront pas au cours des six ans qui viennent.

Pour “tenir la baraque”, Johanna Rolland pour s’appuyer sur quelques grognards, fidèles par conviction ou par intérêt. Son premier adjoint Bassem Asseh, qui cumule les responsabilités de la proximité, du dialogue citoyen, de la politique de la ville, du monde économique et de l’emploi, bénéficie du recul de Pascal Bolo dans l’organigramme municipal. Ce dernier paie sans doute sa proximité avec Jean-Marc Ayrault mais aussi l’imbroglio et l’échec de l’opération YelloPark. S’il n’est plus que 7e adjoint, Pascal Bolo n’en cumule pas moins la sécurité, la tranquillité publique, les finances, l’évaluation des politiques publiques, les affaires générales, domaniales et juridiques… Non seulement il garde les cordons de la bourse mais c’est lui qui donnera les bonnes notes (ou non…) à ses petits camarades.

Le duo Rolland-Laernoes – où la rivalité le dispute à la complémentarité – semble paré pour un remake de Viva Maria. Un coup d’œil sur Wikipedia nous apprend que “pour la bataille, à la fin du film, on avait fait appel à de nombreux figurants… parmi eux il y avait des membres de bandes rivales qui en ont profité pour régler leurs comptes avec des balles réelles”. Résultat ? Des belles perdues (pas pour tout le monde !) et quelques blessés ». Voilà qui nous promet des conseils municipaux et métropolitains explosifs. Du boulot en perspective pour l’adjoint en charge de la sécurité, un certain… Pascal Bolo !

 

 

 

Un programme en béton

Jusqu'ici tout est laid

Nantes : on prend les mêmes…

Ainsi donc le nouveau mandat municipal sera plus vert que jamais. Julie Laernoes s’était réjouie, devant ses amis, d’avoir fait plier Johanna Rolland. Et obtenu quelques concessions majeures. Il n’en reste pas moins que la Ville continue de bétonner…  comme avant.

Il en est ainsi à deux pas du futur ex-CHU. Le passage Kernéis (*), menant à l’auditorium du même nom, se glisse en effet désormais entre un parking des années 60, à l’état d’abandon, et une longue palissade. Cachez ce chantier que je ne saurais voir. Alors que le transfert du CHU est toujours au programme de Johanna Rolland, on construit un “bâtiment universitaire santé”, à proximité immédiate des facultés de médecine et de pharmacie. Dans le cadre d’un aménagement dont la cohérence n’échappera à personne, on déménage le CHU mais on agrandit le pôle universitaire santé à proximité d’un futur “parc nourricier” qui, selon le programme municipal validé par les Verts, remplacera l’actuel ensemble hospitalier. Vous suivez ?

« … tout est laid »

Il y a un an, l’emplacement était encore un terrain vaguement vague où les étudiants en médecine pouvaient prendre le soleil (ou simplement l’air…) entre deux cours. Dans un premier temps, les bancs ont été enlevés.  Et le reste a suivi. Les riverains dont les balcons donnaient sur cet espace verront bientôt les quatre étages de béton leur boucher l’horizon. On aurait pu, à moindres frais, aménager ici un “parc nourricier” mais pourquoi faire simple ? C’est de l’autre côté de la rue Gaston Veil que Johanna Rolland et son équipe ont prévu de planter leurs légumes.

On bétonne donc un espace de terre cultivable pour, dans 5 à 10 ans, dépenser quelques dizaines de millions d’euros pour “nettoyer” le vaste terrain actuellement occupé par le CHU pour y aménager ce fameux parc nourricier dont la ville a tant besoin. “Le projet était lancé…”, concède une Julie Laernoes en mal d’arguments. Avant le second tour des municipales, elle menait, avec Margot Medkour de Nantes en commun, une virulente campagne contre la “bétonisation” de Nantes. La campagne terminée (et les postes d’adjoints obtenus ?), les travaux peuvent continuer.

Le mot de la fin pourrait bien revenir à cet étudiant, sans doute un rien potache, qui donne son sentiment sur les travaux en cours : Jusqu’ici, tout est laid. Le second mandat de Johanna Rolland ne faisant que commencer, ce n’est sans doute qu’un début.

(*) Jean-Pierre Kernéis, disparu en 1999, était professeur agrégé d’anatomie pathologique. Il fut doyen de la faculté de médecine et de pharmacie et le premier président de l’Université de Nantes.

Recommencer la tour Bretagne ?

144 m de haut. Sur ce montage, elle est représentée avec le même écart de hauteur entre la réalité et l'image, que celui des représentation du futur ex-arbre aux hérons.

Quelques heures après sa presque jumelle la centrale de Fessenheim, la tour Bretagne a été débranchée ce 30 juin. Beaucoup, tels Ouest France ou 20 minutes, la présentent pourtant comme « emblématique » de Nantes. L’emblème mis au rancart, mauvais début pour la nouvelle municipalité…

Le mot n’est pas trop fort, pourtant. Lors de son inauguration en 1976, la tour faisait la fierté du sénateur-maire de Nantes, André Morice. Elle symbolisait l’attractivité de la ville, « métropole d’équilibre » de l’ouest de la France. Dans 20 ans d’histoire de la société civile à Nantes (1999), le groupe Kervégan et Jean-Joseph Régent notaient qu’elle devait donner « une image de la ville dynamique, avec tout ce que cela implique de modernité à l’américaine ». En 2014 encore, Laurence Garnier en faisait un enjeu de l’élection municipale : elle proposait de la coiffer d’un chapeau pointu pour la rendre plus emblématique encore.

Déclarée d’utilité publique en 1968, la tour n’a jamais justifié les discours ronflants de ses promoteurs, jamais exaucé les rêves de gloire mis en elle. Des complications géologiques inattendues ont augmenté le coût du chantier, ruinant son constructeur. Elle n’a pas du tout dynamisé l’économie locale. Elle n’est pas devenue l’endroit où les entreprises ambitieuses souhaitaient installer leur siège. Ses étages de bureaux ont bientôt été occupés par des banques, des administrations et des collectivités locales (la région des Pays de la Loire puis des services de Nantes Métropole) – quand ils ne restaient pas vides. Les trois niveaux de la galerie commerciale n’ont jamais fait le plein et se sont vite trouvés désertés par les entreprises et le public.

Bis repetita placent

Le Centre de communication de l’Ouest (CCO) créé par Jean Amyot d’Inville a pendant plus de trente ans entretenu une activité périodique au pied de la tour, mais une activité subventionnée, sans proportion avec les ambitions initiales du bâtiment, qui aurait aussi bien pu être exercée ailleurs. Seul l’argent public lui a permis de fonctionner. À présent, elle est là et l’on ne sait pas trop quoi en faire. Il faudra beaucoup d’argent pour que la tour d’après ait la moindre petite chance de fonctionner mieux que la tour d’avant.

On ne fait pas deux fois le même genre d’erreur ? Les individus, peut-être pas, mais les institutions, c’est autre chose. Les illusions sont têtues. On se croit toujours plus malin que ses aînés. Un demi-siècle plus tard, des notables locaux s’enthousiasment à nouveau pour une construction « emblématique » qui devrait illustrer la modernité de Nantes et lui conférer une attractivité nouvelle, et qui rapportera un jour de l’argent, peut-être, à condition d’y investir beaucoup de fonds publics, sûrement. À 35 m de hauteur, l’Arbre aux Hérons n’arrive qu’à la cheville de la tour Bretagne (144 m). Il faudrait un solide optimisme pour penser qu’il volerait plus haut.

Sven Jelure

Colbert-Ayrault, 1 partout : le musée de Nantes censuré

Jean-Marc Ayrault égalise

Jean-Marc Ayrault lit-il Nantes Plus ? C’est probable ! Et il garde le bras long à Nantes. Nous avons évoqué voici quelques jours la tribune anti-Colbert de l’ancien maire de Nantes. Il y éreintait le Code Noir, lequel était selon lui « extrêmement bien raconté » par le musée du château de Nantes. À quel point, extrêmement bien ? Sur le site du musée, on lisait ceci :

« Dans le Code Noir, le maître se doit d’être bon et doit subvenir à tous les besoins de l’esclave : en terme de nourriture, d’habillement et de soins » ‑  voilà qui ne collait pas bien avec le storytelling de Jean-Marc Ayrault.

Huit jours plus tard, le passage contenant la phrase a disparu ! Le moteur de recherche de Google la mentionne encore ce 27 juin, et vous pouvez la trouver en cache. Mais si vous consultez le site, rien. L’éloge (relatif) de Colbert a été déboulonné !

Sven Jelure

Johanna, Julie et l’Arbre aux Hérons : mordacité* dans le ciel

Embrassons-nous, Folleville ! Follemétropole, même : Johanna Rolland et Julie Laernoes font liste commune pour le deuxième tour de l’élection municipale. D’aucuns s’imaginaient que la seconde allait réclamer à la première le ferraillage de l’Arbre aux Hérons en gage d’alliance éternelle. Le risque n’était pas grand. L’édifice n’est qu’un détail et la pragmatique Julie sait qu’il vaut mieux laisser Johanna Rolland faire le sale boulot.

Il faudra bien y venir un jour. Il y a quinze ans que le projet est dans l’air, presque trois ans et demi que Nantes Métropole Aménagement a été chargé de « finaliser la conception de l’Arbre aux Hérons », huit mois qu’un rab’ de 2,6 millions d’euros a été accordé à un groupement Delarozière-Orefice-La Machine pour achever les études. On ne pourra pas indéfiniment jouer les arrêts de jeu.

Le projet est mal parti. L’Arbre d’aujourd’hui ne ressemble plus à rien. Surtout pas à un arbre. Ce n’est plus du tout l’élégante Cité dans le ciel vendue à Nantes Métropole et aux souscripteurs de Kickstarter sur la foi d’une belle illustration de Stéphane Muntaner. C’est devenu une grosse patatoïde germée, cerclée de dizaines d’étais métalliques sans lesquels l’ensemble ne tiendrait pas debout. N’est pas Gustave Eiffel qui veut.

Les financements ne se présentent pas mieux. Johanna Rolland l’a tant dit et redit qu’elle ne peut guère s’en dédire : un tiers du financement doit être fourni par Nantes Métropole, un tiers par des partenaires publics et un tiers par le secteur privé. Une petite douzaine de millions par tiers pour un projet à 35 millions d’euros – car tel est le montant annoncé par le site officiel de Nantes Métropole. Côté partenaires publics, après des années de sollicitations, seule la région des Pays de la Loire a pris un engagement ferme pour 4 millions d’euros. Le département de Loire-Atlantique, a promis 6 millions d’euros. Mais il s’agit à ce jour d’une promesse verbale, peut-être délicate à voter pour de bon dans le monde post-covid-19.

Le trou se creuse plus vite que l’Arbre ne pousse

Quant au troisième tiers, les promoteurs de l’attraction métallique ont assuré pendant des années qu’au moins quarante entreprises s’étaient engagées à le financer. Aujourd’hui, elles ne sont plus qu’une trentaine ! Globalement, le total des dons se situe quelque part entre 3,4 et 7 millions d’euros. On le connaîtra plus précisément dans quelques jours car la loi oblige le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons à publier ses comptes certifiés avant la fin du mois de juin. À moins qu’il ne choisisse l’illégalité, signe que la situation est encore pire…

Les 35 millions sont donc loin. Loin dans l’avenir, mais peut-être aussi loin dans le passé. Déjà, on en a sorti subrepticement de gros investissements accordés aux Machines de l’île pour des engins in fine destinés à l’Arbre, et aussi plusieurs millions de frais d’études qui, en toute logique financière, auraient dû être inclus dans l’enveloppe globale. Pour la suite, de lourdes allusions et de petites indiscrétions évoquent un dérapage massif. D’après La Lettre à Lulu, le budget final doublerait quasiment, à 69,9 millions d’euros au lieu de 35. Soit 23,3 millions par tiers. Nantes Métropole peut s’en accommoder : le contribuable nantais a les poches profondes. Mais imaginer que le département et la région doubleraient leur écot relève de la politique-fiction. Il resterait donc 13 millions à trouver auprès d’autres partenaires publics. Dans la situation actuelle, inutile de trop compter sur l’État…

Inutile aussi de trop compter sur les entreprises pour le troisième tiers du financement : pendant au moins deux ou trois ans de crise économique, elles vont resserrer les cordons de la bourse. Même chez les bien-portantes, laquelle annoncerait aujourd’hui à son comité social et économique qu’elle va donner des millions à une attraction touristique ?

Encore un instant, monsieur le bûcheron

Les signaux négatifs s’accumulent. Pas un seul nouveau mécène n’a été affiché depuis trois mois. Les donateurs Kickstarter devaient recevoir une lettre semestrielle sur l’avancement du projet ; en deux ans, ils n’en ont reçu qu’une. Le compte Facebook de l’Arbre aux Hérons parle de temps en temps des Machines de l’île (fermées) ou du Jardin extraordinaire (fermé) mais pas du projet. « Combien reste-t-il à financer ? » lui a demandé un aficionado début mars ; à question idiote, pas de réponse, comme disait ma grand-mère. L’Arbre commence à sentir le sapin.

Johanna Rolland sait tout cela. Mais abandonner l’Arbre aux Hérons déclencherait une telle cascade de problèmes qu’elle préfère sans doute ne pas trop y penser. Entre l’ex députée Karine Daniel qui perdrait son emploi au Fonds de dotation, le président Bruno Hug de Larauze qui selon les règles de Kickstarter aurait à assurer le remboursement des souscripteurs, La Machine qui devrait trouver ailleurs de quoi verser ses salaires, les mécènes qui seraient privés de retour sur investissement et les Nantais qui demanderaient des comptes, beaucoup d’intérêts sont en jeu. Qu’il se fasse ou non, on parlera encore de l’Arbre aux Hérons pendant un bout de temps.

* « Qualité corrosive, par laquelle un corps agit sur un autre et le dissout en tout ou en partie. »

Sven Jelure

Rolland-Laernoes, le duo qui vous en promet plus

L’union… dans la désunion

323, pas un de moins, ce sont les “engagements” de la liste Johanna Rolland/Julie Laernoes pour le second tour des municipales à Nantes. Une longue liste où le sérieux côtoie l’anecdotique, où le farfelu le dispute au dogmatique. Du côté d’EELV, on estime être parvenu à faire reculer “la machine Rolland”. On se console comme on peut.

“Les engagements, plus il y en a, moins les gens s’en souviennent…”, s’amuse-t-on dans les couloirs de l’hôtel de ville. Qui se souvient, par exemple, des 110 propositions de François Mitterrand pour gagner les Présidentielles de 1981 ? Alors, les équipes de Johanna Rolland et Julie Laernoes n’ont pas lésiné. Oubliées plus que jamais ces 110 propositions mitterrandiennes, voilà 323 engagements rollandais.

Le poids des maux

Chaque grand chapitre a fait l’objet d’une interminable prise de têtes entre les conseillers des deux listes. Chaque mot en a été pesé. “Nantes doit respirer la santé”, affirme d’emblée le premier chapitre. Qui pourrait vouloir le contraire ? Idem pour ce rappel : “la sécurité un droit pour tous”. Et qui bouderait son plaisir d’habiter “une ville ouverte et innovante” ? Certains chapitres reprennent, sans surprise, des airs déjà entendus pour nous promettre, par exemple, “une ville protectrice et émancipatrice”. Ou encore “un dialogue citoyen et une transparence renforcés”. Ce n’est plus #JR2020, c’est #Nantes + !

Le second chapitre, lui, est de nature à retenir l’attention des juristes. Nantes entend en effet promouvoir “la justice écologique”. Ni plus ni moins. On connaissait la justice républicaine, voilà qu’on nous promet une justice verte.

Dans ce grand fourre-tout des engagements électoraux passés au greenwashing, il est question de “réduire la voiture solo”, d’“intensifier l’intermodalité”,  de  “passer à 500 km de rues piétonnes” ( !) ou encore de “traquer le plastique”. Il ne manque qu’un alinéa sur la protection des ratons-laveurs.

Tout et son contraire

On se souvient de l’opposition de Julie Laernoes au développement urbain et à la métropolisation. Voilà qu’on nous promet de “permettre à tous d’habiter Nantes”. De quoi attirer, si on comprend bien, de nouveaux habitants ? Non, pas vraiment, en fait, il s’agit de lutter contre la flambée des prix dans l’immobilier. L’idée est d’étudier la création d’un office foncier municipal afin d’offrir “plus de logements à des prix inférieurs de 20 à 40% au marché”.

Les Verts, vent debout contre le développement urbain de Johanna Rolland, réclament néanmoins la construction de “5 000 nouveaux logements sociaux”.  Prévoir, dans le même temps, d’aménager “100 000 mètres carrés de squares, jardins et parcs” n’est pas de nature à faire baisser le prix des terrains encore disponibles à Nantes. Mais qu’importe.

Noyés dans la masse, certains “engagements” passeraient (presque) inaperçus. Comme le n°66 qui prévoit de  “faciliter l’accès au nouvel hôpital”, projet par ailleurs dénoncé par l’ensemble des écologistes. Même discrétion de Julie Laernoes sur le projet tans décrié de l’Arbre aux Hérons. L’engagement co-signé par EELV prévoit pourtant d’accompagner (sic) l’installation de l’Arbre aux hérons, “vitrine du savoir-faire et de l’inventivité nantaise à l’international”.

Rien ne change

On donnera crédit à Johanna Rolland de ne pas avoir caché son jeu : son programme, dès le premier tour, était de “continuer”. Elle le fera donc, sans surprise, avec les mêmes. La presse n’a pas dit grand chose (et pour cause !) des 323 engagements Rolland-Laernoes. Comment ne pas s’interroger pourtant sur cet engagement 115 dont le libellé peut laisser songeur. Allez, pour le plaisir : “S’engager dans une démarche “désinvestissement fossile” favorisant les partenaires bancaires éthiques, avec la création et signature d’une charte ouverte à l’ensemble des acteurs du territoire”. Allo, docteur…

Dans un long article, Médiacités a néanmoins expliqué “comment les écologistes ont raté leurs municipales”. À lire cette analyse, Ronan Dantec aurait trahi ses anciens amis écolos en raison de l’opposition “trop frontale” de Julie Laernoes à l’égard de Johanna Rolland. La belle affaire… On en reparlera au moment des Sénatoriales. De même que le refus d’alliance de Julie Laernoes avec Margot Medkour n’avait sans doute rien à voir avec les marchandages, dans l’arrière-cuisine électorale, avec le staff de Johanna Rolland.

Bien décidée à s’offrir un second tour impérial, la candidate-à-sa-succession a donc lâché du lest. Un peu trop au goût de certains “camarades” socialistes. Surtout parmi ceux qui, du coup, ont dû sortir par la petite porte afin de faire place aux nouveaux “amis” Verts de Johanna Rolland. Dont Florian Le Teuff, tombeur du projet YelloPark, qui se retrouve 4e sur la liste. Et Christophe Jouin, “l’enfarineur” de Johanna Rolland, est assuré d’être élu… Le nouvel élu avait jeté à la tête de Mme la Maire un paquet de farine, place de la Petite Hollande, pour protester contre sa gestion du dossier des migrants. Au petit jeu de “qui enfarine qui” dans cette liste recomposée, les paris sont ouverts. Voilà qui promet en tout cas de joyeux débats en coulisses.

Après avoir signé, solennellement ces 323 engagements, les Verts ont annoncé qu’ils garderaient leur liberté de voter, ou non, certains budgets. On pourrait parler de vaudeville mais il s’agit bien d’élections. Nantes, ville innovante s’il en est, vient d’inventer l’union dans la désunion.

JC

 

 

 

Les Verts se rallient à Johanna Rolland

Les hérons du CHU volent vers la Bretagne

Un mariage et des enterrements

Comme il était prévisible, Julie Laernoes s’est ralliée à Johanna Rolland pour un nouveau mandat municipal. À défaut d’accord sur les grands dossiers touchant à l’avenir de Nantes, on a décidé de partager quelques éléments de langage : la future majorité municipale mettra en avant “l’impératif écologique et social”. Fermez le ban.

C’est donc reparti pour un tour. Le second en l’occurrence. Dès le 6 janvier, Nantes+ annonçait ce ralliement des Verts à Johanna Rolland (cf Des Verts déjà murs). À l’époque, les partisans de Julie Laernoes avaient dénoncé un article “partisan” en soulignant la volonté des Verts de “gouverner autrement”. Force est pourtant de constater que tout cela était écrit d’avance. Et ces “écolopportunistes” (selon la jolie formule de Guy Lorant, ex-dircom de la ville de Nantes) ont en fait entériné leur propre échec. Ouest-France pouvait donc titre : “Les Verts plébiscitent Johanna Rolland” ! Tout ça pour ça ?

Reniements en vue
L’accord intervenu au terme “de discussions intenses”, selon les éléments de langage fournis à la presse, n’est en fait qu’un rideau de fumée. D’accord sur rien (ou presque) jusqu’au 15 mars, Johanna Rolland et Julie Laernoes ont donc choisi de gouverner ensemble. Comme elles l’ont fait durant six ans déjà. Les Verts, ayant refusé de passer tout à fait pour des “godillots”, ont mis en avant leur liberté de vote… sauf pour le budget. Le budget qui est pourtant la seule chose qui compte par définition. Peu importe d’ailleurs quand on sait que les grands dossiers sont aujourd’hui examinés et votés par Nantes Métropole où Johanna Rolland disposera, quoi qu’il arrive, d’une confortable majorité.

Cet heureux (?) mariage annonce quelques enterrements. Quid du projet d’Arbre aux hérons ? De l’aménagement du bâtiment Cap 44 ? Du futur CHU sur pilotis ? Autant de divergences affichées hier et oubliées demain. Le 6 janvier, nous annoncions “un poste bien ronflant à la clé” pour Julie Laernoes. C’est fait. La voici “adjointe au climat et à l’alimentation”. Comme si le climat et l’alimentation étaient des compétences municipales… À défaut de faire la pluie et le beau temps, l’adjointe au climat aura toute liberté pour “faire des phrases”.

Rien en commun
Pour Margot Medkour, l’occasion était belle de railler ces Verts qui “ont choisi le reniement” (Ouest-France). D’ailleurs, rappelle la candidate de Nantes en commun, “ils passaient davantage de temps avec Johanna Rolland qu’avec nous”. Aucune surprise donc pour la candidate qui réclamait une “rupture” avec la politique de développement et de métropolisation de Johanna Rolland.

Au-delà des phrases rituelles sur cette nouvelle liste d’union Rolland-Laernoes, on ne saura rien sur ce qui attend vraiment les Nantaises et les Nantais pour les six ans qui viennent. Dès janvier, le programme de la candidate-à-sa-succession pouvait se résumer en un mot : continuer. Elle nous propose donc, en toute cohérence, de continuer… avec les mêmes. Avec de petits arrangements entre amis, négociés sur un coin de table.

Johanna Rolland a-t-elle renoncé, oui ou non, au parking souterrain de la Petite Hollande ? Votez pour nous, on vous en parlera plus tard… Idem pour l’ensemble des dossiers “sensibles” évoqués durant la campagne : Arbre aux hérons, CHU, transports en commun, place du vélo… Tout le monde serait désormais d’accord. Un mariage et combien d’enterrements ? Nantes+ essaiera de vous tenir au courant.

En attendant, on saura, comme hier, amuser le public avec d’autres projets ambitieux comme ce jardin potager en lieu et place de l’actuel CHU. On attend avec impatience la première récolte da carottes et de salades, une fois le terrain débarrassé de ses milliers de tonnes de béton et de matériaux pollués. Comme le disait joliment Julie Laernoes, le 31 mai, “l’écologie sort gagnante de cet accord”. Pour ce qui est de la transparence, par contre… La transparence dont Johanna Rolland avait fait, en 2014, le pilier de sa “nouvelle gouvernance”. Dont acte.

 

Dans un fauteuil
Sur le plan local, les six ans qui viennent s’annoncent aussi passionnants que les six ans écoulés qui ont vu Johanna Rolland et Julie Laernoes gérer la ville conjointement. Au mieux de leurs intérêts. Qu’importe la participation pour ce second tour, Johanna Rolland sera élue dans un fauteuil. L’accord avec les Verts aura tout juste balayé le peu de suspense que laissaient entrevoir les résultats du premier tour.

On a déjà oublié la proposition d’alliance rocambolesque de Valérie Oppelt : la candidate LREM imaginait réunir l’ensemble des listes (de droite et de gauche !) pour l’union qu’imposait, à ses yeux, la situation de crise. Dans le même temps, elle refusait la main tendue de Laurence Garnier, candidate de la droite et du centre. De quoi assurer une réélection triomphale à l’actuelle maire de Nantes. Il n’en fallait pas davantage pour que certains voient, dans ces manœuvres d’entre-deux tours, la main de… l’Élysée. Compte tenu des résultats médiocres de Valérie Oppelt, le 15 mars, LREM ne pouvait pas prétendre à une quelconque alternance. D’où la supposée consigne de ne pas faire de vagues à Nantes.

Tout va donc bien qui finit bien. Julie Laernoes a obtenu le poste d’ajointe dont elle rêvait. Un poste aussi stratégique que celui concédé à son colistier Florian Le Teuff, président de l’association À la nantaise. Après avoir combattu le projet de YelloPark, il se voyait bien adjoint aux sports. Le voilà désormais en charge… du rapprochement avec la Bretagne ! Ce qui ne va pas manquer d’inquiéter le département : Nantes se prépare-t-elle à faire sécession et à demander son rattachement à la Bretagne sans demander l’avis du département ? On en rit déjà en pays breton…

Julien Craque

Nantes aura un rideau d’eau. Ridendo !

Le dos du rideau d'eau sera présenté à la presse dès la première panne du Rideau.

Le programme officiel du Voyage à Nantes, tout juste dévoilé, comporte un rideau d’eau qui tombera de la corniche du théâtre Graslin et arrosera ses marches, comme jadis les chasses d’eau sur l’ardoise des pissotières. Conçue par Stéphane Thidet, qui en 2009 avait installé des loups dans les douves du château, l’œuvre est intitulée Rideau, en subtil hommage au théâtre. Dans « pataugeoire » il y a « art »…

Comme souvent les textes du Voyage à Nantes, la présentation de Rideau fait dans le maniéré cucul-la-praline. Elle associe de façon presque aléatoire des termes mal maîtrisés. Quelque part entre l’Oulipo et le Gorafi :

Ce gigantesque rideau d’eau, métaphore de l’accessoire théâtral qui masque l’artefact et dévoile le spectacle, renvoie autant à l’activité créatrice à l’intérieur du théâtre qu’au plan d’ensemble de la place, dessiné à l’époque par l’architecte Mathurin Crucy.

Passons sur l’emploi impropre du mot « artéfact » (qui s’écrit en français avec un accent) et sur l’image loufoque du rideau qui « renvoie » de part et d’autre pour sauter directement au plan de la place « dessiné à l’époque [sic] par l’architecte Mathurin Crucy ». Gilles Bienvenu, Alain Delaval et Philippe Le Pichon ont raconté en détail l’histoire compliquée de la place Graslin*. Crucy voulait une place rectangulaire. Le plan finalement adopté a été dessiné par l’architecte Robert Seheult fils. Un détail ? Sans doute, mais si le Voyage à Nantes tenait à le préciser, autant qu’il soit exact.

Hommage à Jules Verne et Barbara

Quant à l’inspiration de Stéphane Thidet, on s’étonne que le Voyage à Nantes n’ait pas voulu la rattacher rituellement à notre inépuisable écrivain nantais. Les chutes d’eau, cascades et autres cataractes se comptent littéralement par dizaines chez Jules Verne**. Celle du théâtre était évidemment prophétisée dans Une ville flottante : « La cataracte tombait devant nous comme le rideau d’un théâtre devant les acteurs ».

Hélas, Jules Verne poursuivait :

Mais quel théâtre, et comme les couches d’air violemment déplacées s’y projetaient en courants impétueux ! Trempés, aveuglés, assourdis, nous ne pouvions ni nous voir ni nous entendre dans cette caverne aussi hermétiquement close par les nappes liquides de la cataracte que si la nature l’eût fermée d’un mur de granit !

…de quoi faire fuir les touristes au lieu de les attirer. Il est vrai que Jules Verne évoquait là les chutes du Niagara, qui « consomment » en une journée plus d’eau que l’agglomération nantaise en un trimestre. L’installation du Voyage à Nantes sera sûrement plus modeste. Mais peut-être pas au point de laisser au sec la terrasse du Molière ou celle de Maria, selon le vent qui souffle. Quant au grondement de l’eau chutant sur le granit, sans doute, l’une et l’autre en bénéficieront – sauf à réduire le rideau à un simple filet, façon jardinière qui déborde. Il n’y a pas de raison que la terrasse de La Cigale soit seule à se plaindre du vacarme de la fontaine…

Le Voyage à Nantes sera inauguré le 8 août. Le 8 août, l’an dernier, il a plu. Un peu. Beaucoup plus le 9, avec des rafales de Sud-ouest à 76 km/h. Si la météo daigne s’en mêler, le Rideau deviendra un rideau de pluie. « Il pleut sur Nantes… », chantonnera-t-on gaiement.

Nantes loin en aval

Les rideaux, murs et cloisons d’eau sont à la mode. Un coup d’œil aux pages jaunes de l’annuaire révèle beaucoup de fabricants et d’installateurs. Chacun peut avoir rideau d’eau chez soi. Rideau est donc dans l’air du temps. Ou peut-être quand même un peu en retard sur l’événement ?

Aix-en-Provence a inauguré en 2014 un mur d’eau de 36 m de long sur 17 de haut réputé être le plus grand d’Europe. Le « rideau d’eau » nantais, soit environ 20 m x 12 m, risque de faire un peu riquiqui. Peut-on compter que les touristes qui ne sont pas allés à Aix voir le mur d’eau viendront à Nantes voir le Rideau ? Croisons les doigts.

L’art est universel. Il faut voir plus loin qu’Aix. Sur l’une des parois d’un gratte-ciel de Guiyang, en Chine, s’écoule une chute d’eau de… 108 mètres de hauteur ! L’eau, assure son promoteur, est de l’eau de pluie récupérée. Mais la pomper en altitude revient quand même à 100 euros de l’heure. Espérons que le Voyage à Nantes affichera un coût de fonctionnement plus modeste, sans pour autant réduire la cataracte à un goutte-à-goutte. Un coût non supérieur à celui de la cascade du Jardin extraordinaire, tiens. Lequel coût, à propos, n’a toujours pas été rendu public.

Sven Jelure

* Dans ORAIN, Arnaud (dir.) ; LE PICHON, Philippe (dir.). Graslin : Le temps des Lumières à Nantes. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2008. Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/5509>. ISBN : 9782753531321. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.5509. Chapitres « Le quartier Graslin et ses acteurs », « J.-J.-L. Graslin et la place du théâtre dans la modernisation de la ville » et « Graslin et la genèse de l’urbanisme moderne à Nantes ».

** Pour être juste, Jules Verne n’aimait probablement pas les cascades artificielles. Dans tout son œuvre, il n’en décrit qu’une « assez servilement copiée sur celle du bois de Boulogne ». MM. Thidet et Blaise veilleront sans doute à éviter toute ressemblance.