Nantes et la réunification de la Bretagne : tournoi de poèmes

Réunion au sonnet à Nantes : la poésie de ChatGPT laisse Victor Hugo pensif !

Aujourd’hui, à Nantes, grand pow-wow des collectivités favorables à la réunification de la Bretagne dans ses frontières historiques, celles d’avant la création des Pays de la Loire par un décret de juin 1960.

À côté des arguments historiques, culturels, économiques, politiques, touristiques, identitaires, sentimentaux, versons au débat un argument poétique.

Poétique et néanmoins totalement objectifs : les deux poèmes ci-dessous sont de pur produits de l’intelligence artificielle. Ils ont été rédigés ex nihilo par ChatGPT.

 

  1. Écrire un sonnet en l’honneur de la ville de Nantes, capitale de la Bretagne

Réponse de ChatGPT :

Ô belle ville de Nantes, fière cité bretonne,
Où l’Histoire a laissé sa marque indélébile,
Tes rues pavées et tes quais bordés de fontaines
Sont le témoin d’un passé riche et admirable.

Sur les bords de la Loire, tu es là majestueuse,
Toi qui fus la capitale d’un grand duché,
Et qui rayonnes encore de ta gloire savoureuse
À travers tes châteaux, tes églises et tes musées.

Le château des Ducs, ta fierté incontestable,
Veille sur ta vieille ville aux mille charmes,
Et le Passage Pommeraye, toujours admirable,
Émerveille les visiteurs venus de toutes parts.

Nantes, ville de culture, d’histoire et de tradition,
Tu es le joyau de la Bretagne, la perle de l’océan,
Et dans le cœur de tes habitants, à jamais, tu demeures,
Symbole d’une identité forte, fière et lumineuse.

  1. Écrire un sonnet en l’honneur de la ville de Nantes, capitale des Pays de la Loire

Réponse de ChatGPT

Ô Nantes, cité fière des Pays de la Loire,
Sur tes quais et tes ponts, la Loire court joyeuse,
Et dans tes rues et places, les gens se croisent le soir,
Dans une atmosphère chaleureuse et harmonieuse.

Tes bâtiments historiques sont autant de merveilles,
Qui témoignent du temps et de son évolution,
Ton patrimoine, ta culture, tout cela nous émerveille,
Et nous invite à la découverte et à la passion.

Château des ducs, Cathédrale, Lieu Unique et Machines,
Font partie des richesses que tu as à offrir,
Et chaque jour, tu surprends et tu illumines,
Par ta beauté, ta créativité, ta façon de s’ouvrir.

Ô Nantes, tu es un joyau des Pays de la Loire,
Et dans nos cœurs tu resteras à jamais une histoire.

 

Qui prétendra que ChatGPT se montre aussi inspiré dans le second texte que dans le premier ? Même l’intelligence artificielle a du mal à se passionner pour les Pays de la Loire !

On notera qu’aucun des deux textes n’est vraiment un sonnet. Et que si le logiciel a réussi à produire quatre quatrains dans le premier, il s’est trouvé à court de deux vers dans le suivant…

Et deux vers de moins en Bretagne, à fortiori pour la réunification, c’est mal vu.

Sven Jelure

Végétaliser une promenade sans créer d’ombre : chapeau Nantes Métropole

Qui pourrait dire non à « une nouvelle promenade fraîche et végétalisée en centre-ville » ?
Cette nouvelle promenade nouvellement promise par Nantes Métropole comprend deux tronçons séparés : le cours Saint-André et le « parking Duchesse-Anne » (que le cadastre appelle officiellement « place de la Duchesse-Anne », mais passer d’un « parking » à une « promenade » fait tout de même plus frais et végétalisé). « Ces deux espaces aujourd’hui fortement minéralisés contribueront à réduire les îlots de chaleur urbains, capter le carbone et favoriser la biodiversité », assure Nantes Métropole.

Hélas, le projet relève du montage médiatique bien plus que de l’aménagement botanique. La promenade a beau être « fraîche et végétalisée », elle ne comptera pas un mètre carré d’ombrage supplémentaire.

La place de la Duchesse-Anne est bien moins minéralisée que Nantes Métropole ne le dit. Le parking est bordé d’une quinzaine d’arbres de belle dimension. On espère qu’il n’est pas question d’y toucher. En tout cas, on n’en plantera pas davantage, pour une raison très simple : le sous-sol du parking n’est pas disponible. Il est déjà occupé par le canal Saint-Félix. En fait de « végétalisation » on devra se contenter d’étaler une couche de terre pour y planter du gazon et de jolies petites fleurs. On pourrait même se passer de retirer le bitume existant…

Herbes folles et contreplaqué cours Saint-André

Pour le cours Saint-André, ce n’est guère différent. Sur les côtés, il compte déjà plus de quatre-vingts arbres plantés voici une quinzaine d’années – antérieurs à Johanna Rolland, donc. En guise de promenade ombragée, il font déjà l’affaire. Au milieu du cours, impossible de creuser : on buterait vite sur la dalle de béton du parking Cathédrale. Là encore, on ne fera pas mieux que de semer des parterres de fleurs sur un peu de terreau apporté. L’effet en faveur de la réduction des îlots de chaleur, etc., sera proche de zéro. Ajoutons que comme Nantes n’entretient plus ses trottoirs, les arbres existants sont déjà bordés à leur pied d’une végétation presque luxuriante…

 

Herbes folles cours Saint-André

(On se réjouit néanmoins de voir Nantes Métropole se soucier de l’aspect du cours Saint-André. Depuis des années, elle y tolère la présence d’une baraque en contreplaqué couverte d’affiches publicitaires à moins de 200 mètres de la cathédrale. Elle remplace l’élégante aubette en verre gravé construite en 2007 pour servir de sortie au parking. Probablement imposée par l’architecte des bâtiments de France, elle n’avait pas résisté à quelques coups de pare-choc. Heureusement, l’ABF semble n’avoir rien remarqué.)

Un gros budget pour détourner l’attention ?

Honnêtement, Nantes Métropole ne compte sa « promenade fraîche et végétalisée » que pour 8 100 m² de jardin nouveau, soit à peine plus de la moitié de la superficie totale du parking Duchesse-Anne et du cours Saint-André. Mais cette honnêteté topographique éclaire d’un jour différent le budget prévu : 2,3 millions d’euros. Pour aménager en pleine ville un hectare et demi de parc nouveau, ça se défendrait. Mais pour aménager 8 100 m² de plates-bandes (soit 284 euros du m²), cela semble prohibitif !

« D’ici l’été, le service Nature et jardins sélectionnera le paysagiste qui dessinera cette transformation », annonce Nantes Métropole. Serait-ce là l’ultima ratio de ces espaces verts Potemkine ? À moins que ce verdoyage* ne vise à détourner l’attention de la nouvelle place du Commerce, transformée par la fantaisie municipale en une promesse d’îlot de chaleur mahousse à la prochaine canicule ‑ et toujours pas inaugurée à ce jour…

Sven Jelure

* Verdoyage : manœuvre visant à donner l’illusion d’un souci écologique, équivalent du néologisme anglais greenwashing.

Abolition de l’esclavage : la maire de Nantes a manqué l’anniversaire

Contrairement au président de la République, Johanna Rolland est passée complètement à côté de l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage

Ce 27 avril était le 175anniversaire du décret d’abolition de l’esclavage signé par Victor Schœlcher, ministre des colonies. Contrairement au président de la République, Johanna Rolland est passée complètement à côté.

Pourquoi Emmanuel Macron n’est-il pas venu à Nantes ? Il a effectué jeudi dernier, indique le site Elysee.fr, un « déplacement au Château de Joux à l’occasion du 175anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France ». Or il n’y a strictement aucun rapport entre le décret du 27 avril 1848 et la forteresse de Joux !

L’illustre Toussaint Louverture y est mort, mais c’était quarante-cinq ans plus tôt, en 1803 ; l’année précédente, l’esclavage avait été non pas aboli mais rétabli à Saint-Domingue. Et puis, célébrer d’un même mouvement Toussaint Louverture et l’abolition de l’esclavage est un rapprochement hâtif quand on se souvient que le leader de la révolution haïtienne a substitué à l’esclavage le… travail obligatoire.

Tandis que Nantes… Nantes a un Mémorial de l’abolition de l’esclavage. S’il y avait un lieu pour célébrer le 175anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France, c’était bien là. Il donne même comme adresse postale « passerelle Victor-Schœlcher », du nom du signataire du décret de 1848 – un nom porté aussi par des rues et boulevard à Nantes, Saint-Herblain et Rezé.

La sainteté de l’abolition

Alors bien sûr, même si c’est moins qu’à Joux, le lien est un peu tiré par les cheveux. Victor Schœlcher est complètement étranger à Nantes. D’origine alsacienne, il a fait toute sa carrière de journaliste puis d’homme politique à Paris et aux Antilles. Rien ne dit même qu’il ait jamais mis les pieds dans la capitale des ducs de Bretagne ! À Nantes, d’ailleurs, bien que ce soit écrit dessus, certains ont du mal à intégrer que le Mémorial commémore l’abolition de l’esclavage, un événement positif, et non l’esclavage lui-même, une pratique honnie ; pour eux, parce que certains Nantais, à une certaine époque ont pratiqué un commerce indigne entre faiseurs d’esclaves et utilisateurs d’esclaves, la ville entière serait comme affectée d’un péché originel inexpiable.

Par ailleurs, en 1848, même s’il concernait encore 180 000 personnes, l’esclavage était en voie d’extinction. Interdit en France depuis un édit royal du 3 juillet 1315, il avait été autorisé dans les colonies de 1642 à 1794, puis rétabli dans certaines colonies en 1802, dans des conditions peu à peu adoucies par un chapelet de réglementations. En 1845, la loi Mackau était explicitement destinée à préparer son interdiction prochaine. (Étrangement, le site web du Mémorial ne mentionne même pas l’existence de cette loi.) Le décret du 27 avril 1848 n’était que le point final d’un processus. Victor Schœlcher en était parfaitement conscient. Lui-même se considérait comme un militant et pas comme un héros. « Tout le monde est d’accord sur la sainteté du principe de l’abolition », écrivait-il en 1847 dans son Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années.

Mémorial vandalisé

La venue d’Emmanuel Macron aurait été d’autant plus opportune que Nantes Métropole vient de lancer sur le réseau de panneaux JCDecaux une campagne publicitaire en faveur du Mémorial (sur le thème « Nantes face à son histoire » : la com’ municipale n’a sans doute pas bien assimilée la distinction entre abolition et esclavage signalée plus haut). Et elle aurait réparé l’outrage récemment subi par le monument. Car ce lieu qui aurait dû être intangible (pour lui, Jean-Marc Ayrault avait fait exception à son refus des caméras de surveillance) a été largement vandalisé au cours des manifestations contre la réforme des retraites.

Il y avait donc, cahin-caha, un petit alignement des planètes. Pas de quoi exercer une force d’attraction irrésistible, la preuve, mais c’était quand même mieux que rien en cette période de vaches communicantes maigres pour la maire de Nantes. Hélas, avec ou sans président de la République, Johanna Rolland est totalement passée à côté de ce 175anniversaire.

Sven Jelure

Entre sexe des anges et budget des genres : les comptes à la nantaise

intégrer la perspective de genre dans tout le cycle budgétaire pour analyser l'impact différencié des recettes et des dépenses des budgets publics sur les femmes et les hommes et proposer des mesures pour rééquilibrer les écarts constatés

Il y a des promesses municipales qui ne sont que des mots, et il y a des mots qui sont malgré tout des promesses. Exemple : la ville « non-sexiste ». On ne sait pas trop ce que c’est et ceux qui prétendent savoir ne semblent pas toujours d’accord entre eux. Mais puisque c’est une promesse de campagne de Johanna Rolland, il faut avancer, quitte à torturer un peu le vocabulaire en faisant entrer le sexe dans le genre. Mais pour cela, on compte sur un prestataire extérieur !

Entre Johanna Rolland, maire, Laurence Garnier, sénatrice, Julie Laernoes, députée et Sarah El Haïry, secrétaire d’État, les femmes n’ont pas l’air trop mal loties à Nantes. Johanna Rolland trouve-t-elle que c’est trop ou que ça n’est pas assez ? En 2020, elle a promis de « faire de Nantes la première ville non-sexiste de France » avant 2030. Elle s’est même dotée d’une adjointe exprès pour ça. Il reste aujourd’hui moins de huit ans pour réaliser cette ambition, et l’on n’est pas très sûr d’avoir vraiment fait le premier pas dans cette direction.

« Pour contrer ces inégalités de genre, la municipalité s’engage à respecter un équilibre femmes / hommes dans les dépenses municipales », assure la Ville. Qui, par ailleurs, consacre beaucoup d’argent à des actions spécifiquement destinées aux femmes, et rien du tout à des actions spécifiquement destinées aux hommes. Il est difficile de ne pas y voir une contradiction interne.

Pour essayer de retomber sur ses pieds, Nantes s’est emparée depuis peu d’un concept à la mode : la « budgétisation sensible au genre » (BSG). Elle y voit « un des leviers phares de transformation de l’action publique en faveur d’une ville non-sexiste ». Et elle semble bien partie pour s’éclairer avec son « levier » et se soulever avec son « phare »

La preuve par Bordeaux

La BSG prétend « intégrer la perspective de genre dans tout le cycle budgétaire pour analyser l’impact différencié des recettes et des dépenses des budgets publics sur les femmes et les hommes et proposer des mesures pour rééquilibrer les écarts constatés ». Autrement dit, le but n’est plus de « respecter un équilibre femmes / hommes dans les dépenses municipales » mais d’aboutir à un résultat final égalitaire indépendamment des montants dépensés (ou prélevés).

Ce n’est plus du tout la même chose. Et c’est une promesse de débats sans fin. Quel est « l’impact » d’un euro consacré à la « précarité menstruelle » dans le cadre de la campagne nanto-nantaise Zéro Tabou, et quelle « mesures » va-t-on appliquer pour « rééquilibrer » l’écart constaté chez les hommes ? Une comptabilité sexuée des dépenses ne doit déjà pas être très simple, mais une comptabilité genrée des impacts ne peut qu’être une bouteille à l’encre.

« Les chiffres sont éloquents », assure pourtant Nantes Métropole. « D’après l’enquête conduite par les géographes Édith Maruéjouls et Yves Raibaud dans plusieurs communes de l’agglomération bordelaise « 75 % des budgets publics destinés aux loisirs des jeunes profitent aux garçons, toutes activités confondues (de la danse au foot, en passant par la médiathèque, les centres de loisirs, les séjours de vacances ou les écoles de musique) ». » Admettons que ces chiffres concernant Bordeaux au temps d’Alain Juppé (l’enquête a été réalisée entre 2009 et 2014) restent valables pour Nantes au temps de Johanna Rolland. Admettons même que ces chiffres relatifs aux loisirs des jeunes peuvent être extrapolés à tous les besoins de toutes les classes d’âge dont la ville de Nantes se soucie. Mais en quoi guident-ils l’action publique ?

La mobilité douce creuse les inégalités dures

Le cas des terrains de football avait été largement cité à l’époque de la publication du travail d’Édith Maruéjouls et Yves Raibaud. Les terrains sont en principe destinés à tous, mais le fait est que les garçons les utilisent davantage, et que plus les garçons les utilisent, plus les filles restent à l’écart. Cela ne résulterait pas du choix des uns et des autres mais d’une « pression sociale » : « dès l’adolescence, les rôles de genre sont définis dans l’espace public », estime Yves Raibaud. Définis par qui ? Il n’en dit rien.

Sans même entrer dans le débat entre la « pression sociale » et la biologie, on se dit que, à partir de ce constat, calculer des « impacts différenciés », les imputer aux différents postes de dépenses et imaginer des « mesures pour rééquilibrer » risque de ne pas être une mince affaire.

Et aussi que les conséquences pour l’action publique pourraient être imprévisibles. A-t-on bien lu Yves Raibaud ? « Mis à disposition des jeunes (en réalité des jeunes garçons), ils ont pour but avoué de canaliser leur violence dans des activités positives », écrit-il à propos des skateparks et des citystades. Ou encore : « De l’autre côté du périphérique, les séjours et activités organisées par les municipalités (Opération Prévention Été, séjours courts, Ville Vie Vacances) sont clairement orientés vers la prévention de la délinquance et proposent des activités spécialisées vers le public cible : les jeunes garçons des cités. » Le choix entre prévention de la délinquance et égalité de genre pourrait être cornélien !

Il y a pire pour Johanna Rolland. « La ville durable creuse les inégalités » affirme Yves Raibaud sans ménagement. « Des solutions qui semblent faire consensus (développement des deux-roues, de la marche, des transports en commun, du covoiturage, etc.) sont aussi celles qui creusent les inégalités entre les femmes et les hommes. » Les raisons en sont multiples, de l’accompagnement des enfants à la « crainte de l’agression dans certains quartiers ou bien la nuit ». De fait, les statistiques montrent que, dans l’agglomération nantaise, les hommes sont presque deux fois plus nombreux que les femmes à se rendre au travail à vélo. On imagine les abîmes de réflexion nécessaires à une budgétisation sensible au genre pour tenir compte des « impacts » anti-féminins de toutes les dépenses anti-automobiles et trouver des « mesures pour rééquilibrer ».

Tout ça pour 20 000 € TTC ?

Ces abîmes de réflexion, Johanna Rolland, son conseil municipal et son administration s’avouent incapables de les sonder seuls. Le travail déjà effectué par la Ville « montre de véritables limites, notamment le fait de circonscrire l’approche de la BSG à une comptabilisation des femmes et des hommes inscrits à telle ou telle activité financée par la Ville, sans que l’on puisse en tirer des pistes d’actions pour une égalité réelle ». À vrai dire, on pouvait s’en douter : l’essentiel reste à faire et l’on ne sait trop comment. Dans un avis de marché, Nantes recherche donc un prestataire en vue d’un « accompagnement pour la mise en œuvre opérationnelle de la budgétisation sensible au genre ». Le public s’avouant vaincu, on fait appel au privé.

De l’argent jeté par les fenêtres, peut-être, mais avec modération : pour une mission de dix-huit mois, les dépenses ne pourront dépasser 20 000 euros TTC. La mission, il est vrai, ne porte, pour l’instant, « que » sur trois « objets », le Conservatoire, le festival Les Scènes vagabondes et les budgets participatifs (des actions demandées par des comités de quartier). Et elle ne concerne que les dépenses, pas les recettes, une réjouissance remise à plus tard. À ce prix-là, cependant, le prestataire devra avoir un petit côté kamikaze. Ses obligations  comportent en particulier « autant de réunions que nécessaire pour la bonne conduite de la mission » et « une session de sensibilisation pour acculturer les membres du conseil municipal et les différentes directions à la budgétisation sensible au genre ».

Et le kamikaze pourrait vite devenir bouc émissaire si ça ne marche pas. À qui croit-on qu’on imputerait un échec de la tentative ? En tout état de cause, il ne pourra se défendre : par avance, il « s’interdit notamment toute communication écrite ou verbale sur ces sujets et toute remise d’informations et/ou de données sur quelque support que ce soit à des tiers ».

Pourtant, la Ville ne compte pas vraiment lui laisser la main. Pendant les dix-huit mois de cette mission, elle mettra en place une équipe comprenant une directrice de projet, une cheffe de projet et une référente du budget (assez genrée, cette équipe !). Des groupes de travail seront aussi constitués selon les besoins. L’ensemble de la démarche sera cornaquée par un comité de suivi technique comprenant « les personnes référentes des directions thématiques, les directeurs et directrices des services (Égalité, Finances, directions opérationnelles concernées) et le directeur général des services (ou son représentant) » ainsi qu’un comité de suivi et de pilotage politique comprenant les mêmes plus « les membres du conseil municipal concernées par la démarche 2023 (Finances, Égalité, Proximité, Culture) ».

Ce sont probablement les heures consacrées à ce sujet par des dizaines de cadres municipaux plus ou moins supérieurs qui représenteront en fait les dépenses les plus élevées. Et l’on se demande auquel des genres le coût de cette usine à gaz sera imputé. À moins qu’il ne soit divisé en deux ? Ce serait bien simpliste et bien arbitraire à une époque où certains dénombrent plus de cent genres, sans parler des « agenres ».

Sven Jelure

ChatGPT, relais fidèle de la propagande municipale nantaise

Pascal Bolo doit-il avoir recours à l'intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle générative est la vedette du moment. ChatGPT a même eu les honneurs du dernier conseil de Nantes Métropole. Mais que sait-il lui-même de Nantes ? Une courte exploration révèle qu’il peut se montrer d’une étonnante crédulité. Ou bien serait-ce de la duplicité ?

Dans la foulée de notre article sur la monnaie locale SoNantes/Moneko, nous avons demandé à ChatGPT quelles leçons il retenait de cette aventure pour Pieds-nickelés de la finance. Voici notre dialogue :

Nantes+ : Pascal Bolo a-t-il joué un rôle dans la création de la monnaie complémentaire locale SoNantes ?

ChatGPT : Je suis désolé, mais je ne dispose pas d’informations sur un éventuel rôle de Pascal Bolo dans la création de la monnaie complémentaire locale SoNantes. Cependant, je peux vous dire que la création de la monnaie SoNantes a été initiée en 2011 par un groupe de citoyens engagés de Nantes, en France, avec pour objectif de favoriser les échanges locaux et de soutenir les acteurs économiques locaux. Depuis sa création, la monnaie SoNantes a connu un certain succès et est devenue un outil de développement économique et social de la région nantaise.

Ainsi, ChatGPT en sait encore moins qu’on ne l’aurait cru. Il ignore que la SoNantes s’est crashée. Il ne connaît même pas Pascal Bolo. (Ou peut-être préfèrerait-il ne pas le connaître, comme le Parti socialiste d’aujourd’hui.) Fin de l’histoire, donc ? Pas si vite ! N’oublions pas que ChatGPT est un système américain. Répétée en anglais, la question reçoit une réponse fort différente :

Nantes+ : Did Pascal Bolo play a significant role in the creation of the local currency SoNantes?

ChatGPT : Yes, Pascal Bolo played a significant role in the creation of the local currency SoNantes. Pascal Bolo is a French politician who was the deputy mayor of Nantes from 2008 to 2014 and was responsible for economic development and employment. In 2011, he supported the initiative to create the local currency SoNantes and played a key role in its development and implementation. He helped to mobilize local businesses and organizations to participate in the project, and he also provided financial and institutional support to ensure its success. Thanks in part to his efforts, SoNantes has become a successful example of a complementary currency, promoting local economic development and sustainability in the Nantes region.

Inconnu en français, Pascal Bolo devient un héros de l’économie locale en anglais ! ChatGPT en sait-il davantage en anglais qu’en français ? Ou bien, face à un interlocuteur francophone, a-t-il délibérément dissimulé une information dérangeante ? Cette hypothèse complotiste n’est pas si absurde car, si l’on pose à nouveau la question en français, ChatGPT (conscient de s’être trahi ?) donne désormais mot pour mot la même réponse qu’en anglais :

Nantes+ : Pascal Bolo a-t-il joué un rôle dans la création de la monnaie locale complémentaire SoNantes?

ChatGPT : Oui, Pascal Bolo a joué un rôle important dans la création de la monnaie locale complémentaire SoNantes. Pascal Bolo est un homme politique français qui a été adjoint au maire de Nantes de 2008 à 2014 et était responsable du développement économique et de l’emploi. En 2011, il a soutenu l’initiative visant à créer la monnaie locale complémentaire SoNantes et a joué un rôle clé dans son développement et sa mise en œuvre [etc.]

ChatGPT persiste néanmoins à tenir pour « successful » une affaire qui n’a pas duré trois ans. Alors, soyons plus explicites dans notre question :

Nantes+ : Pascal Bolo a-t-il joué un rôle dans l’échec de la monnaie locale complémentaire SoNantes?

ChatGPT : Je ne dispose pas d’informations indiquant que Pascal Bolo a joué un rôle dans l’échec de la monnaie locale complémentaire SoNantes. En réalité, la monnaie SoNantes a connu un certain succès et est devenue un outil de développement économique et social de la région nantaise [etc.]

Ainsi, ChatGPT ne veut même pas entendre parler d’un échec ! Soyons donc encore plus explicites :

Nantes+ : Pourquoi le quotidien « Presse Océan » a-t-il qualifié la monnaie locale complémentaire SoNantes de « fiasco » (13 novembre 2017) ?

ChatGPT : Le quotidien Presse Océan a qualifié la monnaie locale complémentaire SoNantes de « fiasco » dans un article publié le 13 novembre 2017 en raison de la fermeture de l’association qui la gérait à l’époque. Selon l’article, l’association a été contrainte de cesser ses activités en raison de problèmes financiers, notamment en raison d’une baisse significative du nombre de commerçants acceptant la monnaie SoNantes. Le journal a également souligné que la monnaie avait été confrontée à des problèmes de gestion, notamment en termes de sécurité et de transparence.

Cependant, il est important de noter que la monnaie SoNantes a connu un certain succès avant cette fermeture, avec plus de 300 entreprises adhérentes et plus de 35 000 SoNantes en circulation. La fermeture de l’association n’a donc pas été la fin de l’histoire de la monnaie SoNantes, qui a été reprise par une nouvelle association en 2018 et continue de fonctionner aujourd’hui avec un certain succès. Comme pour toutes les initiatives innovantes, les monnaies locales complémentaires peuvent rencontrer des défis et des difficultés, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’elles sont un « fiasco ».

Ici, ChatGPT bidonne carrément. L’article du 13 novembre 2017 n’évoquait pas une baisse du nombre de commerçants (lequel augmentait, quoique très lentement) mais un échec du système de troc interentreprises. Il n’était pas question de « fermeture de l’association qui la gérait », et pour cause : cette association existe toujours en 2023, elle a juste changé de nom, devenant MLC44 au lieu de La Sonantaise. ChatGPT n’est même pas capable de calculer que 35 000 SoNantes pour 300 entreprises, cela fait moins de 117 SoNantes par adhérent en moyenne : et c’est cela qu’il appelle « un certain succès » ? On dirait que toute information désobligeante envers l’initiative monétaire de la municipalité nantaise est résolument écartée. La langue anglaise sera-t-elle plus loquace ?

Nantes+ : Why did the local daily « Presse Océan » (11/13/2017) call the local currency SoNantes a « fiasco »?

ChatGPT : I’m sorry, but as an AI language model, I do not have access to the exact reasons why the local daily « Presse Océan » called the SoNantes local currency a « fiasco » in an article published on November 13, 2017, as I do not have all the information about the context and events of that time.

However, it is possible that this article was published in response to difficulties or problems faced by the SoNantes, such as difficulties in attracting a sufficient number of businesses and consumers to support the currency, or issues with management and communication.

It is also possible that the term « fiasco » was used for sensationalist purposes or to generate interest in the article, without being substantiated by actual facts.

It’s important to note that the perception of success or failure of a local currency can vary depending on different criteria and perspectives. Some may consider SoNantes to be a success, while others may consider that the currency did not meet its goals.

Courage, fuyons ! Poussé dans ses retranchements, ChatGPT prétend maintenant en savoir encore moins en anglais qu’en français et ne pas avoir lu l’article de Presse Océan– tout en sous-entendant que le quotidien pourrait avoir menti. Un « fiasco » ? Faut pas croire ce qui est écrit dans les journaux : avec cette ritournelle, ChatGPT pourra avoir réponse à tout…

Alors, faut-il conclure que le système cherche « délibérément » à enjoliver les résultats des actions municipales, quitte à raconter des carabistouilles ? Sans doute pas. Ses réponses quasi surréalistes signalent probablement moins une défaillance de l’intelligence artificielle qu’un succès de la propagande municipale. Dans son immense base de données, ChapGPT a pu trouver cent allégations municipales à propos d’un « succès » de SoNantes, contre un seul « fiasco ». La moyenne est vite calculée.

Dans un autre dialogue non reproduit ici, ChatGPT admet que « concernant les informations diffusées par une municipalité, il est vrai qu’il peut y avoir un certain degré de partialité dans la façon dont l’information est présentée »… Bien vu. Resterait à en tenir compte.

Sven Jelure

Royal de Luxe : pourquoi Johanna Rolland veut-elle acheter un spectacle tout neuf ?

Le choix de Fabrice Roussel serait de présenter un tekel à deux boules. Johanna Rolland serait déjà d'accord, reste à convaincre tout le monde d'acheter deux fois un spectacle à Royal de Luxe, grassement subventionné par la ville de Nantes depuis 35 ans.

En septembre prochain, Royal de Luxe montrera à Nantes un nouveau spectacle. Nouveau, donc cher : 1,8 million d’euros. Mais alors, pourquoi ne pas se contenter du spectacle déjà montré en 2022 à Villeurbanne, dans le Rhône ? Fabrice Roussel aura sûrement à cœur de justifier ce choix devant le prochain conseil de Nantes Métropole, ce vendredi.

Nous suspections que le « nouveau » spectacle de Royal de Luxe annoncé par Johanna Rolland pour 2023 réutiliserait le « vieux » spectacle montré par la troupe à Villeubanne en 2022. Nous avions tort. Johanna Rolland ayant dit « nouveau », il fallait que ce soit nouveau ! Fabrice Roussel, vice président de Nantes Métropole, confirme : « il faut considérer que c’est un nouveau spectacle ».

Puisqu’il faut considérer, considérons. Ce spectacle coûtera bel et bien le prix d’un nouveau spectacle. Le conseil métropolitain sera invité vendredi à y mettre plus de 1,8 million d’euros, dont 1,27 million pour la création, le reste pour le fonctionnement. Ça colle ! D’après Médiacités, le spectacle de Villeurbanne a coûté 3 millions d’euros, dont 1,5 million de cachets artistiques.

Certes, 1,27 million, c’est un peu moins que 1,5 million, mais supposons un instant – simple supposition – que le Bull Machin, le chien moche de Villeurbanne, réapparaisse dans le nouveau spectacle : comme il est déjà construit, ce sera autant de dépenses en moins. Et puis, les subventions copieuses versées à Royal de Luxe (821 156 euros plus 96 717 euros de prestations en nature en 2021) justifient peut-être un petit rabais sur le prix catalogue. Enfin, il y aura des économies sur les frais de transport.

En tout état de cause, un spectacle de rue peut toujours se dire « nouveau » quand il change de ville puisque les rues ne sont pas les mêmes. Aurait-il même été envisageable de montrer Le Bull Machin de Villeurbanne ailleurs qu’à Villeurbanne ? On imagine plutôt un Bull Truc de Saint-Herblain ou un Dogue Machin de Nantes Métropole – et hop ! nouveau nom, nouveau spectacle. Les livrées rouges et bleues ne seront sans doute plus de la partie. Peut-être les costumières cousent-elles déjà des livrées jaunes et vertes, en hommage au FCN.

Royal de Luxe n’attache pas ses chiens avec des saucisses

Difficile d’évaluer le prix d’une créativité aussi débridée. Quoique… Royal de Luxe a versé 415 499 euros de salaires (plus 149 643 euros de charges patronales) en 2021, pour huit « équivalents temps plein ». Soit 52 000 euros de salaire brut moyen par personne, quand même, et 28,6 % de plus qu’en 2020. On imagine qu’une partie de cette coquette augmentation est justifiée par l’effort créatif dû à l’invention du Bull Machin.

L’effort d’imagination n’est pas tout. Royal de Luxe va devoir aussi consentir un effort de mémoire. Un mois avant son nouveau spectacle de Nantes, la troupe se sera produite à Anvers, dans les Flandres. Elle refuse de dire de quoi sa prestation sera faite. Un nouveau spectacle, encore ? Bien entendu, pour que le spectacle de Nantes soit « nouveau », il ne suffira pas qu’il ne ressemble pas à celui de Villeurbanne, il ne devra pas non plus ressembler à celui d’Anvers. Il faudra donc mémoriser de nouveaux rôles. Jean-Luc Courcoult et son équipe n’ont pas fini de se creuser les méninges.

Les Nantais non plus. Car une question cruciale se pose : pourquoi faudrait-il absolument un spectacle « nouveau ». Pourquoi, au lieu d’une création, n’achèterait-on pas, pour 1 million d’euros de moins, une représentation supplémentaire du spectacle de Villeurbanne ? Il était sûrement très bien puisqu’il couronnait l’année « Villeurbanne, capitale française de la culture 2022 ». Alors, à quoi bon le jeter à la poubelle ? Un défilé urbain devrait être plus facilement réutilisable que des eaux usées. Nantes Métropole, qui vante ardemment l’économie circulaire, s’avouerait-elle incapable de recycler un spectacle utilisé une seule fois ?

Sven Jelure

Moneko : la monnaie locale nantaise va descendre une marche de plus

Vous connaissez la différence entre un euro et un moneko ? Un euro !

La discrète monnaie locale nantaise Moneko fait de son mieux pour exister sur un créneau difficile qui reste embryonnaire depuis une dizaine d’années. Héritière d’une tentative municipale ratée qui a englouti des millions d’euros sous la houlette de Pascal Bolo, elle va encore descendre une marche à fin mars en évinçant ses souscripteurs inactifs.

Moneko s’apprête à faire le ménage dans ses comptes. Moneko, pour qui l’ignorerait, est une « monnaie locale complémentaire » (1 moneko = 1 euro) qui circule en Loire-Atlantique. Le système fonctionne par adhésion. Désormais, le versement d’une cotisation annuelle sera exigé. Et ceux qui détiendraient encore quelque argent en Moneko sans l’utiliser seront taxés pour « compte inactif ». Ce système qui avait pour idéal d’échapper au système bancaire se comporte comme lui.

À fin 2022, près de 2 000 adhérents particuliers étaient inscrits sur ses registres. Mais le nombre réel de cotisants n’était que de 585, soit 0,038 % des habitants de Loire-Atlantique. Ils peuvent effectuer des achats auprès d’entreprises ou de prestataires acceptant des paiements en Moneko : dans cette catégorie, on compte encore 300 inscrits, mais seulement 188 cotisants. Le nettoyage dénote un certain courage : après lui, il ne restera pas grand chose.

D’après son récit officiel, Moneko est né d’une fusion entre le Retz’L, monnaie locale du pays de Retz, et la SoNantes… SoNantes, ah ! tout s’éclaire pour les Nantais qui ont un peu de mémoire !

Ce nom reste attaché à une péripétie franchement grotesque. Ses origines remontent à 2006 : sous l’impulsion de Jean-Marc Ayrault, l’Agenda 21 de Nantes Métropole, programme d’action écologique pour le 21e siècle, prévoit la création d’une monnaie locale. Puis viennent des années de palabres et d’investigations menées par Pascal Bolo, ancien inspecteur des finances publiques et adjoint aux finances du maire de Nantes, Jacques Stern, directeur du Crédit municipal, et Massimo Amato, professeur d’histoire économique dans une université italienne, propulsé « conseiller scientifique auprès de la Ville ».

Après une longue gestation et quelques voyages d’études, en Suisse notamment, ce trio d’élite crée une monnaie complémentaire locale (MLC) dénommée Nanto, puis SoNantes. Elle est « complémentaire » car elle ne prétend pas supplanter l’euro ! Entièrement virtuelle, elle fonctionnera avec une carte magnétique. C’est son originalité, car la plupart des monnaies locales existantes ont imprimé leurs propres « billets de banque » ‑ souvent achetés comme souvenir par des touristes de passage.

Fiasco annoncé vite réalisé

Deuxième originalité : au moment où la carte SoNantes est lancée, en 2015, le porte-monnaie électronique Monéo est déjà en plein naufrage. Inexplicablement, MM. Bolo, Stern et Amato n’en tirent pas de leçon et présentent la SoNantes lors d’un grand raout dans un palace bruxellois. Ils paraissent encore nourrir de grandes ambitions pour leur système. Exprès pour lui, le Crédit municipal a créé une filiale, SoNao, qui a développé à grand frais un logiciel de gestion ad hoc, qu’on espère vendre un peu partout pour gérer d’autres monnaies locales. Sous le label de l’économie sociale et solidaire s’est glissée une bonne dose de start-up capitaliste !

Le volet social et solidaire est néanmoins assuré par une association elle aussi ad hoc, La SoNantaise, domiciliée au Crédit municipal de Nantes. Elle est chargée d’assurer la promotion de la SoNantes. Ainsi, les efforts sans but lucratif favoriseront la commercialisation du logiciel de SoNao.

Cet ambitieux projet tourne vite au fiasco. La faute à pas d’chance, comme le plaide Pascal Bolo ? Pas du tout, le projet était mal embarqué dès le départ et a accumulé les erreurs. Qui voudrait reconstituer le feuilleton retrouvera aisément ses épisodes sous le lien suivant : « Bolopoly (35) : FiascoNantes ». SoNao est dissoute en novembre 2017, après moins de trois ans d’existence. D’abord, la SoNao vend toute l’exploitation à La Sonantaise. Montant de la transaction : 521 euros. C’est tout ce que vaut désormais cette société qui a consumé l’essentiel des 2 millions d’euros investis dans le projet par le Crédit municipal !

« Ce projet n’a pas coûté le moindre centime d’argent public, puisque la monnaie est issue du capital du Crédit municipal », assure néanmoins Pascal Bolo à Presse Océan qui titre sur « le fiasco de la monnaie locale ». C’est jouer sur les mots : comme le Crédit municipal appartient à Nantes, les sommes englouties dans le projet sont bel et bien de l’argent public. De plus, les frais d’étude du projet, qui se chiffrent en centaines de milliers d’euros ont été supportés par Nantes ou Nantes Métropole. Aujourd’hui encore, Moneko ne peut fonctionner que grâce aux subventions – pardon, aux « cotisations » ‑ de ses « adhérents solidaires », au premier rang desquels Nantes Métropole, la ville de Nantes, le Crédit municipal de Nantes, Nantes Gestion Équipements, Le Voyage à Nantes et la TAN… présidée par Pascal Bolo. L’argent public demeure solidaire.

Manteau de Noë sur la Sonantaise

On tente néanmoins de brouiller les pistes en modifiant les noms. La SoNantes devient Moneko. La Sonantaise adopte un nouveau nom aussi neutre que possible : MLC44. Le Retz’L, monnaie complémentaire du Pays de Retz, qui s’était rapproché de l’initiative nantaise, disparaît dans l’aventure. L’association qui le gérait est dissoute. La marque SoNantes, déposée à l’INPI par le Crédit municipal, expirera dans quelques jours, le 17 avril 2023, à moins que quelqu’un ne se préoccupe de la renouveler d’ici là. La marque La Sonantaise, déposée par Jacques Stern au nom du Crédit municipal de Nantes, expirera le 5 décembre prochain.

Le changement de nom, d’adresse et d’objet de La Sonantaise ne sont même pas publiés au Journal officiel. Il est seulement signalé à la préfecture et au répertoire national des associations (RNA), dont la consultation n’est pas des plus faciles. C’est légal mais spécialement contestable en l’occurrence, puisque l’association a en fait changé de nature. Lors de sa création, La Sonantaise avait pour but d’« organiser le caractère participatif et citoyen de la monnaie de Nantes ; contribuer au développement de la monnaie de Nantes », etc. Aujourd’hui, MLC44 a pour objet « l’émission, la gestion et le développement de la monnaie locale complémentaire et solidaire sur le territoire de la Loire-Atlantique ». La différence n’estpas anodine : aux termes l’article L311-5 du code monétaire et financier une association ne peut émettre et gérer une MLC que si c’est son « unique objet social ».

L’échec de la SoNantes, finalement, résulte d’un constat attristant : les monnaies locales, dans le fond, tout le monde s’en fout, hormis une poignée de militants convaincus, comme au Pays basque, ou l’eusko, seule MLC prospère de France, fait rimer solidarité avec identité. C’est la chance de Pascal Bolo : ce désastre discret n’aura pas durablement terni la réputation du grand manitou des finances municipales nantaises (et futur sénateur de Loire-Atlantique ?).

Sven Jelure

Restaurer la réputation de Nantes : faut-il en appeler à Notre-Dame de Bon-Secours ?

Johanna Rolland très active dans la recherche de solutions pour redorer l'image de la Ville

Si même les religieuses s’y mettent, la réputation de Nantes est bien malade. Toute la France le sait à présent : deux sœurs bénédictines, plutôt que de subir le martyre (ou en tout cas des injures et des crachats) en silence à Sainte-Croix, ont demandé à leur Ordre de les transférer du côté de Reims. En voilà un éloge du pas de côté ! L’affaire fait plus de bruit qu’une Nième fusillade devant le 38 rue Watteau. Consternation.

Les vieux Nantais se rappellent qu’il y a trente ans, l’espace d’une génération, leur ville était en tête de tous les classements des villes-où-il-fait-bon-vivre. Et ce n’était pas seulement le fruit d’un engouement médiatique : l’air du temps était plutôt sympa. « La seule ville où les automobilistes s’arrêtent pour laisser passer les piétons », s’émerveillait alors un jeune visiteur. « Et où les piétons leur disent merci », corroborait son copain.

Les médias attribuaient volontiers la qualité de la vie municipale à Jean-Marc Ayrault. Or il n’y était pour rien : en 1993, il n’était maire de Nantes que depuis quatre ans et n’avait pas fait grand chose. Il avait inauguré la deuxième ligne de tram, qui était dans les cartons bien avant son arrivée, mais ni Busway ni Chronobus n’étaient au programme et les aménagements cyclables étaient embryonnaires ; le Bicloo ne viendrait que quinze ans plus tard. Le château des ducs de Bretagne et le musée des Beaux-arts n’avaient pas été rénovés, les Chantiers navals et le Jardin extraordinaire étaient des friches industrielles, le Lieu unique et le Hangar à bananes des bâtiments désaffectés en attente de démolition ou de réemploi. Il n’était encore question ni du Mémorial de l’abolition de l’esclavage, ni des Machines de l’île ni même de l’Arbre aux Hérons. Alors quoi ?

Le gaspillage d’une réputation trouvée en arrivant

Jean-Marc Ayrault bénéficiait des atouts existants de la ville, que ses propres réalisations n’ont donc guère épaulés. Et il avait un dircom d’élite pour lui greffer les plumes du paon. Johanna Rolland subit-elle l’effet inverse à la tête d’une cité désormais vue comme quasiment un coupe-gorge ? En partie, sûrement, mais le meilleur dircom n’y peut rien : pour dégager sa responsabilité, il faudrait incriminer celle de son prédécesseur et parrain. Car celui-ci a activement contribué, de diverses manières, à la dégradation de la réputation nantaise. En voici deux exemples notoires.

1) Au milieu des années 2000, Jean-Marc Ayrault a mis en place un vaste dispositif d’accueil de migrants roumains par Nantes Métropole. Ce dispositif, exemplaire selon le Conseil de l’Europe, a été un succès dans la mesure où le public visé est venu nombreux : dès 2009, Nantes Métropole concentrait 10 % des Roms présents en France. Mais il a été un échec dans la mesure où de nombreux actes de délinquance ont été commis (vols, recels, occupations illégales, mendicité sur la voie publique…) – des actes souvent très visibles, donc nocifs pour l’image. Il ne s’agit de discriminer personne, il se peut que le dispositif ait été mal conçu, mal administré, incomplet, etc. Ce qui ne fait qu’accentuer le constat : une mesure prise par Jean-Marc Ayrault a accru l’insécurité ressentie à Nantes.

2) Jean-Marc Ayrault a toujours refusé d’installer un système de vidéosurveillance municipal. Il n’avait pas loin à aller, pourtant, pour trouver un modèle réputé efficace : dès 2006, son successeur à la mairie de Saint-Herblain avait installé quinze caméras. Certains contestent l’efficacité de la vidéoprotection ? Pas Jean-Marc Ayrault. À peine le Mémorial de l’abolition de l’esclavage achevé, en 2012, il y a fait installer pas moins d’une douzaine de caméras ! Étrangement, pendant qu’il faisait régner l’ordre au Mémorial, il a laissé la situation se dégrader ailleurs.

Le salut viendra-t-il de Sainte-Croix ?

Johanna Rolland n’a pu que le constater et tenter de changer de cap. Mais elle s’est bien gardée de citer le nom de Jean-Marc Ayault quand, en 2017, la vidéoprotection a fait son arrivée à Nantes. La même année, une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) a été lancée pour redimensionner le plan d’accueil des Roms. Trop tard ? Dans un cas comme dans l’autre, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances (le rapport annuel 2021 de Nantes Métropole évoque explicitement « les insuffisances de la MOUS »).

Le problème des réputations est qu’elles font boule de neige. Et quand ça veut pas, ça veut pas. Si Johanna Rolland multipliait les caméras et les policiers municipaux, il est certain qu’elle cognerait dans le budget mais pas du tout qu’elle améliorerait l’image de la ville. Elle ne tient dans doute pas à échanger une réputation de ville insécure contre une réputation de ville fliquée. Quoi d’autre  ? À part mettre un cierge à Notre-Dame du Bon-Secours, protectrice des populations en danger, dont par un heureux hasard l’église Sainte-Croix possède une effigie, on ne voit pas…

Sven Jelure

Le Voyage à Nantes en mal de budget

L'avantage des chiffres, c'est qu'on en fait ce qu'on veut...

La SPL Le voyage à Nantes risque de se trouver nettement dans le rouge en 2023. Mais les chiffres livrés par son président, Fabrice Roussel, également vice-président de Nantes métropole, obscurcissent le tableau plus qu’ils ne l’éclairent. À moins qu’ils ne préparent de grands changements ?

Le voyage à Nantes s’attend à 630 000 euros de déficit en 2023, annonce Presse Océan le 6 février –à 730 000 euros, surenchérit Ouest-France le 8. Jean Blaise, directeur général de la SPL, s’insurge pourtant : « On ne votera jamais un budget en déséquilibre ».

Les Nantais en tireront plusieurs observations. D’abord que, début février, « le budget 2023 n’est pas finalisé », comme le constate Fabrice Roussel dans les colonnes de Presse Océan. À cette date, une entreprise bien gérée a normalement arrêté son budget depuis un bout de temps déjà.

La tâche est pourtant bien moins difficile pour Le voyage à Nantes que pour la plupart des entreprises : plus de la moitié de son budget est couverte par des subventions. Cet argent versé pour l’essentiel par Nantes Métropole, Le voyage à Nantes l’empoche quoi qu’il arrive : peu d’entreprises jouissent d’un tel luxe.

Ce budget pas finalisé, la SPL l’évalue à 34,5 millions d’euros. Impossible de le comparer aux budgets de pandémie des années 2020 à 2022. Comparons-le donc à celui de 2019. Il tangentait alors les 33 millions d’euros. Il progresserait donc de 1,5 million (+ 4,5 %) en quatre ans. Ce n’est déjà pas d’une folle ambition puisqu’on annonce partout le retour des touristes.

À l’intérieur de cette enveloppe de 34,5 millions, le chiffre d’affaires hors subventions devrait être de 13 millions d’euros. Soit autant qu’en 2019. C’est étrange. « Nous sommes confiants sur la fréquentation en 2023 », déclare Fabrice Roussel. En 2019, les deux locomotives du Voyage à Nantes, les Machines de l’île et le musée d’histoire de Nantes ont enregistré respectivement 738 795 et 308 740 entrées. Le tarif des premières est passé cette année de 8,50 à 9,50 euros, soit + 11,76 % (9 euros pour le Carrousel qui peine à attirer des clients). Celui du second va passer de 8 à 9 euros au 1er mars (+ 12,5 %). À fréquentation égale, le total de leurs recettes annuelles devrait bondir de pas loin de 1 million d’euros par rapport à 2019.

Le contribuable est prévenu

Si les recettes de ses deux vaches à lait augmentent mais que son chiffre d’affaires global stagne, c’est que Le Voyage à Nantes prévoit une chute sévère de ses autres activités. Compte-t-il réduire ses effectifs en conséquence ? Apparemment non : les frais de personnel devraient bondir de 12 millions d’euros en 2019 à 15 millions en 2023 (+ 25 %). Plus de deux fois l’inflation. Bizarrerie : les frais de personnel de 2021 étaient inférieurs à ceux de 2019, pour un effectif identique à 0,89 personne près ! Autrement dit, Le Voyage à Nantes prévoit d’augmenter très fortement ses salariés alors qu’ils produiront moins.

Tant mieux pour eux, mais cette particularité explique à elle seule la chute du résultat, de 105 000 euros de bénéfice en 2019 à 730 000 euros de déficit en 2023, soit moins 835 000 euros au total. Si l’augmentation des frais de personnel était simplement égale à l’inflation, la SPL enregistrerait en 2023 un coquet bénéfice et non un déficit !

Comment, alors, respecter l’engagement de Jean Blaise : « On ne votera jamais un budget en déséquilibre » ? Fabrice Roussel semble avoir sa petite idée sur la question : « Si la subvention de la métropole était indexée à l’inflation, le budget 2023 serait à l’équilibre ». Ah vraiment ? Les subventions prévues se situent « autour de 20 millions d’euros ». En 2019, c’était 17,5 millions d’euros. L’augmentation, supérieure à 14 %, dépasse l’inflation. Si la subvention était vraiment indexée à l’inflation, Le voyage à Nantes serait encore plus loin de l’équilibre !

Un déficit davantage mis en exergue en 2023 qu’en 2014 ou en 2017

Mais au fait… la SPL avait près de 8,7 millions d’euros en caisse à fin 2021, n’est-ce pas ? Ce serait largement suffisant pour absorber 730 000 euros de déficit. La situation n’a rien d’alarmant, en somme. À moins, bien sûr, qu’elle n’ait déjà boulotté ses marges de manœuvre en 2022, par exemple avec Le voyage en hiver.

Et puis, ce ne serait pas la première fois que Le voyage à Nantes est dans le rouge ! En 2014, son déficit d’exploitation atteignait 798 400 euros, soit bien plus que celui envisagé pour 2023. En 2017, il était de 684 500 euros. De 2011 à 2015, période couverte par un rapport de la Chambre régionale des comptes, la SPL n’a jamais équilibré son exploitation. Elle n’a pu s’en sortir que par une astuce comptable critiquée par la Chambre. Fabrice Roussel s’était bien gardé alors de proclamer la situation ! Pourquoi sort-il du bois en 2023 ?

Décidément, comme pour l’Arbre aux Hérons, il y a des bizarreries dans les comptes que le vice-président de Nantes Métropole présente aux Nantais. La comparaison avec l’Arbre s’arrête là : on ne prophétisera pas un abandon du Voyage à Nantes. Mais qu’un gros changement intervienne au départ en retraite du directeur général (Jean Blaise aura 72 ans en avril), pourquoi pas ? On comprendrait d’autant mieux que Jean Blaise refuse mordicus de signer un budget dans le rouge pour la circonstance. Lui qui a déjà été critiqué par la Chambre régionale des comptes pour sa gestion du Voyage à Nantes et du Lieu Unique, que ne manquerait-on pas de lui mettre sur le dos ?

Sven Jelure

Kickstarter : que peuvent faire les grugés de l’Arbre aux Hérons ?

Ce n'est pas une affaire d'argent, c'est une affaire de principe !

L’abandon du projet d’Arbre aux Hérons lèse au moins moralement les 5.511 donateurs de la campagne Kickstarter de 2018. Ont-ils un moyen de se rebiffer ? Cela supposerait de s’en prendre au créateur du projet. Qui n’est pas celui qu’on croit habituellement.

Les soixante mécènes de l’Arbre aux Hérons étaient avertis, au moins implicitement : en cas d’abandon du projet, leur bel argent tomberait dans le pot commun des espaces verts nantais. Car depuis décembre 2019 le Fonds de dotation Arbre aux Hérons est devenu Fonds de dotation Arbre aux Hérons et Jardin extraordinaire. Il en va autrement des 5.511 donateurs qui ont versé leur écot à la campagne de financement lancée sur Kickstarter en 2018 ‑ dont 1.546 Nantais, 115 Rezéens, 46 Couëronnais, etc. Autant de déçus pour lesquels il n’y avait pas de plan B.

La déception est morale, mais un peu matérielle aussi pour certains. La plupart des récompenses promises, sous forme de certificats, de croquis, etc. ont été reçues. Mais certaines manquent à l’appel. À partir de 10 euros de don, les donateurs devaient recevoir le récit de la construction de l’Arbre sous forme de quatorze lettres d’information, à raison de trois par an. Bien entendu, la promesse n’a été que très partiellement tenue. Aux plus gros donateurs, à partir de 500 euros, il était promis dix ans de « pass » gratuit avec accès illimité à l’Arbre, ce qui, à l’époque, par extrapolation des tarifs pratiqués alors par les Machines de l’île, représentait une valeur de 2.360 euros. Presque cinq fois la mise : l’espérance d’un placement très rentable… et en fin de compte rien du tout !

Les donateurs rancuniers ont-ils un recours pour réclamer une indemnisation ou un remboursement de leur don, voire exiger la réalisation de l’Arbre ? La question n’est pas si simple en réalité.

Le créateur du projet, seul responsable selon Kickstarter

Kickstarter s’en lave les mains : « Lorsqu’un créateur publie un projet sur Kickstarter, il invite d’autres personnes à conclure un contrat avec lui.Toute personne qui soutient un projet accepte l’offre du créateur et conclut ledit contrat avec lui. Kickstarter ne participe pas à ce contrat, qui constitue accord juridique direct passé entre le créateur et le contributeur. » Kickstarter spécifie néanmoins l’une des clauses de cet accord : la somme demandée doit permettre la réalisation du projet et « lorsqu’un projet est financé, le créateur doit terminer le projet et tenir ses promesses pour s’acquitter de ses obligations envers ses contributeurs. » Le projet de l’Arbre aux Hérons a été largement financé, rapportant 373.525 euros pour 100.000 demandés. Son créateur n’est donc pas quitte.

Plus de 10 % des projets financés sur Kickstarter sont finalement des échecs. Une partie des créateurs, soucieux de leur réputation ou attachés à certaines valeurs, veillent alors à rembourser les donateurs. Selon un universitaire, les donateurs seraient remboursés dans 13 % des cas d’échec.

En présentant son projet sur Kickstarter, un créateur souscrit certains engagements. S’il est dans l’incapacité de terminer son projet comme promis, précise Kickstarter :

[Il] est réputé remédier à la situation et s’acquitter de ses obligations envers les contributeurs uniquement si :

  • il publie une actualité pour expliquer le travail qui a été fait, la manière dont les fonds ont été utilisés et ce qui l’empêche de terminer le projet comme prévu ;
  • il travaille de manière assidue et en toute bonne foi pour mener le projet à bien de la meilleure manière possible et dans un délai qu’il communique aux contributeurs ;
  • il est capable de démontrer qu’il a utilisé les fonds de manière appropriée et qu’il a mis en œuvre tous les efforts raisonnables pour terminer le projet comme promis ;
  • il fait preuve d’honnêteté et ne présente pas les faits de manière erronée dans ses communications aux contributeurs ; et
  • il propose de retourner les fonds restants aux contributeurs qui n’ont pas reçu leur récompense (proportionnellement aux montants financés) ou explique comment ces fonds seront utilisés pour terminer le projet de manière différente.

Les 5.511 donateurs de l’Arbre aux Hérons attendent depuis près de cinq mois le respect de ces obligations contractuelles. Et dans l’avenir, si le projet d’Arbre aux Hérons privé voit le jour, l’argent restant devra évidemment lui être affecté « pour terminer le projet de manière différente ».

Or là, sac de nœuds ! L’argent n’est pas resté dans la poche du créateur du projet, il a été remis au Fonds de dotation Arbre aux Hérons (qui n’était pas encore « et Jardin extraordinaire »). À la date de l’abandon du projet, celui-ci devait bien avoir encore un peu d’argent en caisse, peut-être même assez pour rembourser intégralement les donateurs, mais ses statuts lui interdisent de le reverser à quelqu’un d’autre qu’à Nantes Métropole ! Le Fonds ne devrait pas tarder à disparaître mais, s’il lui reste quelque argent, la loi l’oblige à le verser à un autre Fonds ou à une fondation reconnue d’utilité publique !

Le créateur du projet s’est fourré dans un sacré imbroglio. Devra-t-il puiser dans sa propre cassette pour « remédier à la situation et s’acquitter de ses obligations » ?

Un créateur pas très visible

Si un créateur de projet fait la sourde oreille, peut-on aller en justice pour exiger qu’il tienne ses promesses ou rende l’argent ? Oui, c’est envisageable. Des avocats américains proposent même leurs services. Mais de l’avis général, l’enjeu n’en vaut probablement pas la chandelle. Vous vous êtes fait avoir ? Il ne vous reste que vos yeux pour pleurer.

Pour qui voudrait néanmoins tenter l’aventure, la cible, on l’a dit, est le créateur du projet. Mais de qui s’agit-il exactement ? Au premier regard sur la page Kickstarter du projet, on pourrait croire que celui-ci a été créé par « Les Machines de l’île / Arbre aux Hérons ». Or, d’après les règles de Kickstarter, le créateur doit être une personne physique ; Les Machines de l’île et L’Arbre aux Hérons, simples marques propriété l’une du Voyage à Nantes, l’autre de Nantes Métropole, ne satisfont pas ce critère. Il faut creuser davantage.

Sur le site de Kickstarter, sous le nom de ce « créateur » fictif figure un lien actif, invisible à l’œil nu. Cliquez dessus et vous obtenez la clé de l’énigme : le créateur officiel du projet enregistré par Kickstarter est en réalité Bruno Hug de Larauze, grand patron nantais qui a longtemps présidé le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons. Vous pouvez aussi aller en direct à la page de biographie du créateur (que les moteurs de recherche semblent ignorer) : https://www.kickstarter.com/projects/arbreauxherons/larbre-aux-herons-the-herons-tree/creator_bio.

Kickstarter doit être conscient que quelque chose ne colle pas. Si vous cherchez à en savoir plus sur « Les Machines de l’île / Arbre aux Hérons », il vous répond que « le profil de cet utilisateur est privé » (et si vous cliquez sur le bouton « Qui suis-je ? », vous parvenez à un bouton « Biographie » qui, lui, ne mène à rien !). D’où une piste éventuelle pour les amateurs de chicane : rechercher la responsabilité de Kickstarter, qui a présenté le projet Arbre aux Hérons/Herons’ Tree de manière fallacieuse et contraire à ses propres règles. Lesquelles devront cependant être interprétées « conformément aux lois de l’État de New York et des États-Unis »… Une fois encore, le succès n’est pas du tout garanti et il est très, très peu probable que l’enjeu en vaille la chandelle !

Sven Jelure