La Cantine du Voyage : cata culinaire – en 2020 plus qu’hier

Bon appétit !

La Cantine du Voyage a fermé dimanche. Est-elle aussi satisfaite de sa saison estivale que ses voisines les Machines de l’île ? Ces dernières, comme on sait, assurent avoir bien fonctionné grâce à un « public essentiellement français qui a remplacé les étrangers ».

Pour la Cantine, l’absence des étrangers n’était même pas un gros handicap : elle les attire assez peu. À peine plus de 6 % des avis la concernant déposés sur Tripadvisor sont rédigés en langue étrangère, contre plus de 27 % aux Machines de l’île.

Par ailleurs, en ces temps de covid-19, La Cantine, au bout du Hangar à bananes, avait un gros atout dans son jeu : son cadre et ses dimensions facilitent la distanciation sociale.

Hélas, la clientèle française ne semble pas vraiment enthousiaste. La Cantine du voyage n’a fait l’objet cette année que de 21 commentaires sur Tripadvisor (vingt affichés à ce jour et un d’un compte clôturé dans l’intervalle). Auparavant, elle en avait recueilli 453 en sept ans, soit une soixantaine par an en moyenne.

Quant au degré de satisfaction des clients, il suffit de lire les titres de leurs avis :

  • Cher pour la qualité
  • Déjeuner sur les quais Dubigeon de Nantes
  • Sympa pour un verre entre amis
  • À éviter, arnaque !
  • C’est pas mal et ça dépanne !
  • Restaurant
  • Cher, pas quali
  • Organisation déplorable
  • IMMENSE DÉCEPTION
  • Monsieur Blaise qu’attendez-vous pour changer de Gérant ?
  • Simple et efficace
  • Horrible
  • Attente et déception
  • FUYEZ! CATASTROPHIQUE!
  • Très décevant
  • Cadre agréable mais ne déjeunez surtout pas là
  • Ne surtout pas y manger !!
  • Un petit air de vacances !
  • le même menu depuis 7 ans !
  • Un incontournable nantais
  • À déconseiller

Tout le monde aime le cadre. Certains apprécient la simplicité d’une formule ne varietur (salade et poulet-pommes de terre pour tout le monde, à 11 euros le midi, 14 le soir) : aucun risque de se faire des nœuds au cerveau avec un menu à plusieurs choix. Personne ou presque n’a d’éloges pour la cuisine. La moyenne des notes décernées cette année est franchement désastreuse : moins de 2,1 sur 5. La moyenne générale depuis l’origine est pourtant de 3,0. C’est-à-dire que l’opinion des clients sur la Cantine, qui n’était déjà pas fameuse, a encore baissé en 2020.

La Cantine du Voyage fonctionne sur le même concept depuis l’origine, elle propose le même menu depuis des années et, au lieu de s’améliorer avec l’expérience, elle parvient à empirer !

Bien entendu, tout restaurateur est libre de servir une triste pitance à ses clients. Mais la Cantine c’est le fer de lance culinaire officiel du Voyage à Nantes. Le bouche-à-oreille des clients est mauvais ? Jean Blaise et ses services s’échinent à le compenser avec un budget publicitaire payé par les contribuables. Attirer les touristes à grands frais pour qu’il repartent en disant : « Nantes, on y mange mal », la stratégie est originale. Et efficace ? Faut voir…

Sven Jelure

Johanna Rolland : un goût de bouchon !

Danger cycliste !

Plus que jamais, Nantes innove. Pour lutter contre la pollution, on a créé des embouteillages sans précédent. Et voilà que  la Ville lance “une grande consultation” citoyenne sur… la mobilité. Comme chacun sait, à Nantes, rien ne se décide en effet sans consulter « les Nantaises et les Nantais ».

Sous la pression des Verts, Johanna Rolland entend bouter les voitures hors de la ville. Peu habituée à emprunter son vélo ou le tramway pour aller au bureau, elle imagine des trajets domicile-travail plus faciles : « ma voiture sinon… rien ! » Nous n’en sommes pas encore là. Pour patienter, on lance donc, pour occuper l’espace, une consultation sur la mobilité.

La ville paralysée

Quelques mauvais esprits feront sans doute remarquer que cette enquête aurait été bienvenue avant les élections municipales. Histoire de pouvoir répondre “aux attentes des Nantaises et des Nantais”, comme le promettait le programme #JR2020. En fait, les décisions ont été prises, pour certaines d’entre elles, entre les deux tours des municipales. Et sans consulter personne. Pour s’assurer le soutien des Verts, Johanna Rolland a sacrifié, par exemple, l’extension de la Cité des congrès et la construction d’un parking souterrain, place de la Petite Hollande. Des broutilles.

Et puis, durant l’été, on a réaménagé, vite fait, les pistes cyclables. Pour en doubler la largeur, il a fallu supprimer une file de circulation automobile sur les grands axes (Bellamy, Strasbourg, quai de la Fosse, pont Anne de Bretagne…) ce qui, mécaniquement, a contribué à paralyser la circulation. Il n’était pas besoin de limiter la vitesse à 30km/h en ville : nombreux sont les automobilistes qui aimeraient pouvoir rouler à cette vitesse entre 7:30 et 9:00, le matin, et entre 17:00 et 19:30, en fin d’après-midi.

Ces ennuis quotidiens pour les Nantais ont toutefois permis à Johanna Rolland d’obtenir une médaille : la voilà en effet élue présidente de l’association France Urbaine. Fonction qu’elle n’aurait pas obtenue sans le soutien des Verts. France Urbaine ? Un “machin”, comme notre pays les aime, regroupant les maires des villes de plus de 100 000 habitants. Il n’en fallait pas plus pour que quelques uns de ses porte-paroles officieux en fassent des tonnes : “Johanna Rolland va avoir un rôle à jouer au niveau national” a ainsi claironné Franck Renaud, directeur de la revue Place Publique, revue qui dit d’autant moins de mal de la municipalité que c’est elle qui la finance.

Un gaspillage durable

Comme le reste (alimentation, consommation, énergie…), la mobilité se doit désormais d’être, elle aussi, “durable”. Cette tarte à la crème de la communication de la Ville et de la Métropole a des incidences bien concrètes sur le quotidien des Nantais. Dans la foulée du déconfinement, et toute à la joie de sa réélection, Johanna Rolland a en ainsi donné le feu vert (naturellement !) aux élus d’Europe Écologie pour imaginer un “plan vélo-piéton”. Avec les conséquences que l’on sait.

Consciente des répercussions de ces aménagements et de la grogne suscitée, la maire de Nantes s’est empressée d’indiquer que ce plan serait “soumis à évaluation”. En gros, on décide, on crée la pagaille et, après, on réfléchit. Dans les couloirs de l’Hôtel de Ville, on murmure que JR serait furieuse. Elle estime que les Verts ont poussé “le bouchon un peu loin”. Jolie formule, certes, mais cela ne sera pas sans conséquences. Les aménagements réalisés seront-ils pérennisés ? Va-t-on les supprimer ? Ou les réaménager ? Faire et défaire… le suspense est intenable.

En attendant, entre le 28 septembre et le 28 novembre, “3 200 habitants de l’aire urbaine de Nantes” vont être interrogés par téléphone afin qu’on puisse déterminer “comment ont évolué les déplacements”. Bertrand Affilé, vice-président de Nantes Métropole en charge de la mobilité, rappelle que “Nantes Métropole mobilise chaque année des moyens importants pour améliorer les conditions de transport et de déplacement” (sic). Au vu des résultats, on n’en demandait pas tant.

Des travaux effectués, cet été, sans concertation, qui devront sans doute être refaits, une enquête confiée à la société Alyce pour valider a postériori les décisions prises… voilà une gestion sans doute exemplaire elle aussi. Comme la mobilité, le gaspillage devient, lui aussi, “durable”.

J.C.

Machines de l’île : pourquoi 185 525 > 242 189 > 246 420

La théorie de la relativité selon Albert Orefice

Cette saison touristique d’après covid-19, ou d’inter covid-19, est un moment à part, c’est entendu. Elle ne se prête pas aux comparaisons. Pourquoi Pierre Orefice, patron des Machines de l’île, s’acharne-t-il à en tirer quand même ?

Il a lancé un cocorico dans un article publié par Presse Océan mardi dernier et modestement titré « Machines : un succès français ». La fréquentation, dit-il, a atteint cet été 77 % de celle de juillet-août 2019 « qui fut l’été de tous les records ». Et il ajoute : « on ne pouvait rêver mieux ». En revanche, on pourrait calculer mieux.

Le patron des Machines évoque un « public essentiellement français qui a remplacé les étrangers ». Normal : si les étrangers sont moins venus en France cet été, les Français sont moins partis. C’est ainsi que l’été a été très bon dans une grande partie de la Bretagne. Mais pas vraiment pour les Machines.

 Les remplaçants absents

Les Français sont loin d’avoir « remplacé » les étrangers puisque les ventes de billets affichées ont chuté de 242 189 en 2019 à 185 525 en 2020, soit moins 23,4 %. Pire : la fréquentation des Français eux-mêmes a baissé, et eux n’ont été remplacés par personne. En particulier, le nombre de billets vendus à des habitants de Nantes Métropole a reculé de 12 %, passant de 22 680 à 19 929.

Mais les Machines avaient-elles vraiment vendu 242 189 billets à l’été 2019 ? Hitwest en annonçait 248 221, ajoutant : « Pierre Oréfice, co-créateur des Machines s’en réjouit, même s’il ne cache pas son étonnement ». En cet « été [2019] de tous les records », assurait Pierre Orefice à Ouest France, la fréquentation estivale avait augmenté de 14 % par rapport à 2018. Il est difficile de recouper cette affirmation puisque les statistiques de l’été 2018, réputées mauvaises, n’ont apparemment pas été publiées.

 Le goût du pipotage

Cependant, l’année précédente, en juillet-août 2017, selon Ouest France, les Machines avaient vendu 246 420 billets. De deux choses l’une, donc : soit 2019 n’était pas « l’année de tous les records », soit les Machines ont vendu bien plus de 242 189 billets en 2019, et les chiffres de 2020 sont encore moins bons en comparaison. Dans un cas comme dans l’autre, il y a pipotage.

La méforme des Machines pourrait s’expliquer en partie par la réduction de leur jauge imposée dans le cadre des mesures anti-covid19, et personne n’en tiendrait rigueur à Pierre Orefice. Mais on dirait que c’est plus fort que lui : il faut qu’il raconte de belles histoires. Storytelling, quand tu nous tiens…

Petit rappel : en 2012, année d’ouverture du Carrousel des mondes marins (le 15 juillet), les Machines avaient émis 215 079 billets entre le 1er juillet et le 31 août, soit 16 % de plus que cette année. Entre l’été 2012 et l’été 2020, le nombre de visiteurs originaires de Loire-Atlantique a été divisé par trois.

Sven Jelure

Ceinture et bretelles pour l’Arbre aux Hérons

Approche-t-on d’un moment décisif dans le dossier de l’Arbre aux Hérons, qui remonte quand même à 2007 ? Deux nouvelles péripéties pourraient faire office de feu orange plutôt que de feu vert… 

Voici plus de trois ans et demi, le conseil métropolitain a confié à Nantes Métropole Aménagement des études destinées à « finaliser la faisabilité de l’Arbre aux Hérons ». Puis, pour finaliser la finalisation, le 4 octobre 2019, il a voté encore 1,5 million d’euros H.T. de « complément d’études », dont le résultat devait être « restitué » en juin dernier.

Par la même occasion, il avait décidé d’octroyer 2 880 000 euros HT de rab’ à la Compagnie La Machine (ou au groupement Pierre Orefice – François Delarozière – La Machine : le P.V. du conseil métropolitain n’est pas clair sur ce point) afin de construire un Héron « pour réaliser des tests de vols ».

Coup sur coup, Nantes Métropole vient de publier encore deux avis de marchés publics portant l’un sur un « marché de contrôle technique pour la construction d’un grand héron », l’autre sur une « mission d’assistance et d’expertise juridique pour l’opération Arbre aux Hérons ». Le premier n’est pas chiffré, le second pourrait s’élever à 80 000 euros H.T. – soit plusieurs centaines d’heures d’avocat.

La multiplication des études a un petit côté « ceinture et bretelles ». Nantes Métropole dispose de ses propres juristes. Le recours préventif et massif à des avocats donne à penser qu’elle ne se sent pas trop à l’aise face à ce dossier où, en arguant de la propriété intellectuelle, elle a multiplié les exceptions aux règles de la commande publique.

Héron solitaire

Cependant, le marché de contrôle technique entrouvre aussi une porte de sortie. Les rallonges du 4 octobre 2019 étaient explicitement imputées au poste budgétaire « Arbre aux Hérons – Études ». Le contrôle technique ne se limite plus aux études. L’appel d’offres porte sur une « attraction destinée à accueillir 15 à 20 passagers ». Il spécifie que la mission englobera un « contrôle technique initial des matériels neufs ».

Cette opération prévue par l’arrêté du 12 mars 2009 sur la sécurité des manèges doit être effectuée « lors de la première mise en service et avant l’ouverture au public des matériels ». C’est-à-dire que Nantes Métropole se ménage la possibilité de mettre en service ce héron solitaire comme une attraction à part entière – en principe à l’été 2021.Quid de l’Arbre ensuite ? Eh bien, on verra…

Sven Jelure

P.S. Au même moment, Le Voyage à Nantes, lui aussi familier du tango entre commande publique et propriété intellectuelle, recrute un juriste chargé de veiller à la régularité de ses achats. Les grands esprits se rencontrent.

Travaux au CHU : Johanna Rolland en quête d’image

Comme disait ma grand-mère, à faire et à défaire, on n'est pas à rien faire. Mais avec quel argent ?

Nantes aura bientôt ( ?) un nouveau CHU. C’est du moins ce qu’annonce le programme de Johanna Rolland pour ce second mandat municipal. Mais, en attendant, les travaux continuent sur le site du centre hospitalier appelé à disparaître. C’est ainsi qu’un nouveau “plateau d’imagerie” est en train de sortir de terre, le long de la ligne de tram.

Décidément, à Nantes, tout semble possible, y compris de construire, en 2020, un bâtiment appelé à être rasé dans quelques années. Le site de l’actuel centre hospitalier devrait en effet laisser place à un “parc nourricier”, demain ou… après-demain ! L’actuel CHU de Nantes va donc s’agrandir et se doter d’un “plateau d’imagerie” au top du top : on y pratiquera de l’imagerie moléculaire multimodale.  Si cet outil semble indispensable pour appuyer le travail de l’équipe mult­­idisciplinaire du Centre de recherche en cancérologie et immunologie, on reste perplexe devant la gestion des équipements et la politique d’investissement du CHU.

En janvier 2018, l’actuel CHU présentait déjà “un nouveau plateau technique opérationnel d’imagerie et d’endoscopie”. Très officiellement, il s’agissait “de fluidifier le parcours des patients et d’offrir une prise en charge innovante”. Il est vrai que ce plateau recevait 37 patients par jour en moyenne et que les conditions d’accueil étaient loin d’être satisfaisantes. D’où ce premier investissement d’un montant (modeste) de 3 millions d’euros. Il s’agissait, à moindres frais, d’augmenter l’attractivité du CHU et de favoriser la chirurgie ambulatoire. Ce que Ouest-France résumait d’une formule “plus d’imagerie pour moins de bistouris” (10 janvier 2018).

Johanna repasse le plateau !

Les travaux en cours, boulevard Jean Monnet, sont d’une toute autre nature. On construit en effet un nouveau “plateau d’imagerie”. Comme si l’actuel CHU était appelé à se développer sur le site actuel et non à déménager, sur l’île de Nantes, dans les 5/6 ans qui viennent si on en croit Johanna Rolland. Malgré les réticences de ses alliés verts et de l’opposition et les questions sur l’accès au nouveau site et son caractère inondable en cas de crues historiques. Passons sur la suppression, prévue, de 300 lits et les interrogations sur l’avenir de l’Institut de cancérologie de l’Ouest installé, lui, à l’Hôpital Laennec (Hôpital Nord). Un institut  où travaillent près d’une  centaine de médecins et qui a bénéficié d’investissements lourds comme cet Arronnax (accélérateur pour la recherche en radiochimie et en oncologie), une sorte de cyclotron qu’il est impossible de déménager. L’outil a coûté quelque 37 millions d’euros.

Depuis des mois, on nous redit que l’hôpital aurait besoin d’argent. Manifestement, celui de Nantes n’en manque pas. 3 millions d’euros en 2018 pour le “plateau technique opérationnel”. Combien en 2020 pour ce nouveau plateau d’imagerie actuellement en construction ? Il suffit de poser la question à Johanna Rolland. En tant que maire de Nantes, elle préside en effet le conseil d’administration du CHU. On peut donc penser que ce projet de construction a reçu son feu vert. Du coup, on peut s’interroger sur la stratégie de la municipalité quant à la gestion du dossier hospitalier. Si l’actuel CHU n’a plus aucun avenir, à très court terme, sur son site actuel, il n’y a aucune raison d’investir dans la construction de nouveaux bâtiments. À moins que, s’agissant d’argent public, la question ne se pose pas.

Comme d’autres, le sujet du transfert du CHU a été (habilement ?) escamoté lors de la campagne des municipales. Tout juste a-t-on noté le ralliement de Valérie Oppelt au projet de transfert, projet que son collègue, candidat de la République en marche à Saint-Herblain qualifiait d’absurde. Nul doute qu’on reparlera de ce dossier dans les mois et les années qui viennent. Et il n’est pas sûr que l’image de la maire de Nantes en sorte grandie… malgré ce nouveau plateau d’imagerie qu’elle devrait logiquement inaugurer en 2021.

J.C.

 

Bal masqué au château des ducs de Bretagne

Anne de Bretagne donne l'exemple

Le préfet de Vendée s’est empressé de retirer le relatif avantage qu’il avait accordé à la Cinéscénie du Puy du Fou. Elle revenait à considérer que ses gradins en plein air étaient divisibles en trois enceintes distinctes pouvant accueillir chacune trois mille spectateurs. Total neuf mille spectateurs, là où d’autres, indivisibles ou en tout cas indivisés, étaient limités à cinq mille.

Nantes a bien failli connaître une exception plus remarquable encore. Quand l’arrêté préfectoral imposant le port du masque dans le centre-ville a été publié, la semaine dernière, une encoche bien visible avait été pratiquée dans le périmètre concerné. Elle exemptait de masque le château des ducs de Bretagne.

le périmètre initial...
En plus de la ligne verte, une ligne rouge virtuelle à Nantes…

Plus de 1,5 millions de visiteurs y pénètrent chaque année. Au moins dix mille personnes quotidiennement les bons jours d’été. On peut y accéder par les douves, au Sud, ou par le pont de Secours, au Nord. Mais le fait est que la quasi-totalité des visiteurs pénètrent par l’entrée principale, le pont-levis de la place Marc-Elder. Soit près de 20 000 passages par jour, donc, sur un pont-levis de trois mètres de large et sous un porche balayé de courants d’air. Une promiscuité que la rue Crébillon, la rue de la Marne et autres n’égalent sans doute pas, même aux heures de pointe.

À Nantes, cependant, le préfet n’a pas eu besoin de se déjuger : le Voyage à Nantes a préféré décliner discrètement le cadeau. Il a lui-même rendu le masque obligatoire « sur l’ensemble des espaces accessibles du château ». On ne peut le retirer que sur les espaces inaccessibles.

Le Voyage à Nantes n’a pas poussé le souci de prophylaxie jusqu’imposer le masque aux Machines de l’île. S’il est obligatoire dans la Galerie des Machines, le Grand éléphant et le Carrousel des mondes marins, il ne l’est pas au sein des groupes ardents qui accompagnent les pérégrinations de l’éléphant. Ni chez les parents massés autour du petit manège d’Andréa. Ni dans la queue qui s’étire devant La Fraiseraie. Ni ‑ mais là on revient aux décisions du préfet ‑ sur le pont Anne de Bretagne, où se croisent les foules de visiteurs arrivant par la ligne 1 du tram.

Sven Jelure

Nantes plus mouillée – le sacre de la dame-pipi 

Nantes ose plus :)

« Cachez ce pubis que je ne saurais voir », s’étaient exclamées des âmes prudes à l’annonce de l’arrivée de Fontaine, une statue d’Elsa Sahal, place Royale. Si son titre ne dénote pas une grande imagination, il en faut en revanche, de l’imagination, pour voir un pubis dans ce gros haricot rose juchés sur deux poteaux en grès émaillé. Ça n’est pas la Naissance de Vénus

D’une petite fente ménagée dans l’engin devrait jaillir un filet d’eau. Certains veulent y voir une « vulve pissante ». Voire même, pour quelques-uns, une évocation pédophile : la statuette serait le pendant femelle du Maneken-Pis bruxellois. Le pédophile qui y voit vraiment ça doit être plus tordu encore qu’on ne l’aurait cru. 

Mais les protestations font sans doute les affaires de Jean Blaise et de ses troupes. Car avant de débarquer place Royale, cette œuvre a pas mal traîné ses guêtres, au jardin des Tuileries et en maints autres lieux. Une fois de plus, le Voyage à Nantes tente de donner une seconde jeunesse à une installation déjà bien connue. Comme on ne peut pas brûler une cathédrale tous les mois pour rester sous les feux de l’actualité, rien de tel qu’un petit parfum de scandale, même éventé.

Pendant ce temps-là, l’installation du Rideau (quelle débauche d’imagination dans les titres du Voyage à Nantes, cette année !) de Stéphane Thidet progresse sur la place Graslin. En ce mardi ensoleillé, de premiers essais ont confirmé notre prophétie : ça va faire du bruit ! On ne s’entendra plus parler sur la place Graslin, et pas seulement parce qu’on sera bouche bée d’émerveillement.

 Rideau d’eau de Graslin

Et tant que nous en sommes au chapitre aquatique, que devient la fontaine miraculeuse du pont Anne de Bretagne ? Eh bien, hier soir, elle était toujours là, et en pleine forme. La sécheresse à Nantes, ça n’existe pas.

Sven Jelure

Plus de chutes d’eau à Nantes : un miracle en période de sécheresse touristique

Le premier vrai miracle breton. Bravo Jean Blaise, merci Johanna Rolland

Depuis un mois, une fontaine d’eau claire coule sous le pont Anne de Bretagne. Au début, on aurait pu croire à un stratagème du Voyage à Nantes. Celui-ci vient d’obtenir que la cité des ducs de Bretagne soit labellisée destination touristique bretonne, et un petit miracle sous un pont consacré à notre Duchesse aurait braqué sur notre bonne ville l’intérêt des médias internationaux. De chute d’eau en chute d’eau, la com’ de la cataracte de Stéphane Thidet sur le théâtre Graslin serait bien assurée.

Hélas, de miracle, il n’y aurait point, assure Olivier Quentin, de France 3. Bien que parfaitement limpide, cette eau ne vient pas du service d’eau, ont déterminé les experts en adduction de Nantes Métropole. Ils ont trouvé une autre source : le réseau d’eau pluviale. Il serait bouché en contrebas, d’où fuite.

Mais… mais il n’a pour ainsi dire pas plu depuis le 26 juin et la fontaine ne fait pas mine de s’assécher. Par dessus le marché, ce liquide paraît bien clair pour de l’eau qui a rincé les pavés. Miracle quand même, donc ? Non, assure encore France 3, toujours sur la foi des mêmes experts. L’eau viendrait en fait de la Loire, via des nappes phréatiques « qui ne sont qu’à quelques mètres de la surface du sol » et qui se déverseraient dans ce réseau d’eau pluviale pas étanche.

Mais… mais en vertu de cette explication, la fontaine devrait jaillir quelques mètres au-dessous de la surface du sol naturel, ce qui n’est pas le cas. Le niveau du sol pas naturel des Chantiers n’est plus élevé que de deux ou trois mètres. Son point d’écoulement est aussi plus élevé que le niveau de la Loire, même à marée haute.

Donc miracle quand même. Manquerait plus que sainte Anne se montre à des passants à côté de la fontaine en leur demandant de prier pour la réunification de la Bretagne. Certes, les soubassements du pont n’évoquent que de très loin la grotte de Massabielle, mais justement, ils formeraient le décor idéal d’un miracle bien de son époque. À défaut de touristes, le Voyage à Nantes pourrait racoler les pèlerins : à chacun son petit flacon d’eau de Nantes miraculeuse.

Sven Jelure

Plus de promesses que de pépètes pour l’Arbre aux Hérons

Les mécènes se bousculent pour financer le projet le plus f(L)ou

Le Fonds de dotation Arbre aux Hérons et Jardin extraordinaire a publié ses comptes annuels ce lundi, avec trois semaines de retard sur le délai légal. Quand on est si peu pressé, en général, c’est que la situation n’est pas brillante…

Sur le papier, pourtant, tout devrait baigner. Créé en 2017, le Fonds obéit à un objectif clair et bien délimité : il a été créé pour récolter auprès d’entreprises et de particuliers un tiers du budget nécessaire à l’Arbre aux Hérons. Soit, pour un total de 35 millions d’euros annoncé (mais on sait déjà que ce sera plus), une petite douzaine de millions.

Facile, laissaient entendre les promoteurs de l’Arbre, Pierre Orefice et François Delarozière, depuis des années. Ils assuraient avoir obtenu des promesses de financement d’au moins une quarantaine d’entreprises. Celles-ci n’avaient rien versé avant 2019 pour une raison fiscale : l’administration n’avait pas encore promis que les dons bénéficieraient du régime du mécénat, c’est-à-dire que 60 % de leur montant serait en réalité supporté par la collectivité sous forme de réduction d’impôt. Ce qui change tout…

D’abord refusé, le « rescrit » fiscal espéré a enfin été accordé le 17 juillet 2019. Les donateurs censés piaffer d’impatience ont enfin pu payer leur écot. Un raz-de-marée financier ? Hélas non.

La volonté libérale du mécène

Les mécènes du Fonds sont répartis par grades, comme dans l’armée, en fonction non de leurs mérites mais du montant de leur don. On distingue ainsi le Héron impérial (don d’au moins 500.000 euros), le Héron goliath (au moins 200.000), le Grand héron (au moins 50.000) et le Héron cendré (au moins 5.000). À fin 2019, le Fonds affichait seulement 1 Héron impérial (Crédit Mutuel), 0 Héron goliath, 10 Grands hérons (Cryo-West, SFCMM, Adekma, Harmonie Mutuelle, UIMM, Maison Berjac, Atlantis, Les Pépinières du Val d’Erdre, Dintec, Brémond) et 6 Hérons cendrés (Plein Centre, CEMétal, Guilberteau, Eugénie, Bélénos, Thierry Immobilier).

Le Crédit Mutuel avait annoncé 2,5 millions et le total des seize autres représentait un plancher d’au moins 530.000 euros. Le Fonds aurait donc dû percevoir au moins 3 millions d’euros en 2019. En fait, il n’a obtenu que 2,6 millions d’euros. Du moins, sur le papier, car il s’agit de promesses pour une bonne part. En réalité, il avait moins de 666.000 euros en caisse à fin 2019 : à peine plus du double qu’à fin 2018 et même pas 6 % de la somme nécessaire pour couvrir le tiers du coût de l’Arbre aux Hérons affecté au secteur privé. Une partie de cet encaisse représente ce qui reste de la collecte effectuée auprès des particuliers via Kickstarter.

Pourquoi cet écart entre les dons annoncés et l’argent réellement détenu ? Parce que la réglementation permet aux Fonds de dotation de comptabiliser d’un seul coup l’argent qui leur est promis. Comme le dit pudiquement le commissaire aux comptes du fonds de dotation, « la créance constatée vis-à vis du mécène ne sera recouvrable que par la volonté libérale du mécène et s’apurera au fur et à mesure des encaissements ». Autrement dit, l’argent rentrera… si le mécène le veut bien. Certains mécènes prudents ont sans doute pris leurs précautions : ils paieront quand l’Arbre verra le jour !

Un fonds qui coûte cher

Le résultat est mince, pour un Fonds dont le travail essentiel aurait dû se borner à relever les compteurs. Mais c’est sûrement un gros travail quand même puisque le Fonds a versé plus de 167.000 euros de salaires et charges sociales en 2019. Au total, il a coûté  plus de 400.000 euros en 2019 pour en faire rentrer quelques centaines de milliers.

Ce travail, qu’on se rassure, a continué à porter ses fruits en 2020 puisqu’une douzaine d’autres mécènes ont été entrés en portefeuille au premier semestre, dont quatre gros donateurs (Intermarché, Bati-Nantes, Charier, IDÉA Groupe). Mais c’était avant le confinement. Un seul donateur, le promoteur Marignan, a signé au-delà de la mi-mars.

Pour l’avenir, le commissaire aux comptes se montre optimiste. À propos du rescrit fiscal, il écrit : « les dons et versements réalisés [au profit du Fonds] ouvrent droit à réduction d’impôt au profit du donateur dans la mesure où ils sont strictement et exclusivement affectés au projet de l’Arbre aux hérons et du jardin extraordinaire ». Là, il extrapole un peu. Le rescrit ne couvre que la construction de l’Arbre aux Hérons. La création d’un jardin public répond-elle aux conditions de l’article 200 b du CGI ? On attend la réponse de l’administration.

Sven Jelure

Grand orgue : appel au miracle

trouver un nouvel orgue

Ses propres protagonistes qualifient l’Arbre aux hérons de « projet fou ». Le diagnostic paraît excessif. « Projet débile » suffirait. De toute manière, il semble que la guérison soit proche. Comme Nantes plus l’a déjà dit, la transformation du Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons en Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons et du Jardin extraordinaire pourrait bien présager un repli sur des positions préparées à l’avance.

Serait-il pas tristounet, quand même, que les mécènes qui avaient espéré contribuer à une réalisation un peu spéciale voient leur bon argent déversé dans le pot commun d’un Nième jardin public ? À leur place, on se rebifferait contre cette perspective. Ils ont signé une convention avec le Fonds de dotation. Celle-ci prévoyait-elle que l’objet du Fonds pourrait être modifié à volonté ? Probablement pas. Auquel cas, ils pourraient retirer leurs billes d’un projet qui n’est plus celui pour lequel ils avaient signé.

Et voici l’occasion de le faire sans paraître mesquin, en donnant à une cause autrement plus méritoire. On aura sûrement besoin de mécènes pour rebâtir le grand orgue de la cathédrale de Nantes. Après tout, comme l’Arbre aux Hérons, c’est d’abord une histoire de tubes métalliques. Nantes Métropole pourrait même faire de nécessité vertu et prendre l’initiative de ce transfert. Il lui suffirait de faire pivoter son fonds une fois de plus pour le transformer en Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons et du Jardin Extraordinaire et du Grand orgue de la cathédrale.

Sven Jelure