Voyage à Nantes et Machines de l’île : le prix des forfaits

Que dire du surcroit de travail d'Hélène Madec avec sa nomination à la direction des Machines de l'île

Il aura fallu assez peu de temps à Jean Blaise pour choisir qui remplacera Pierre Orefice aux manettes des Machines de l’île. Une parmi vingt-huit parait-il. Le hasard veut qu’elle vienne de Megève. Mais est-ce réellement un hasard ?

Hélène Madec est une vraie pro du tourisme : elle a d’abord dirigé l’office de tourisme de Megève, puis la direction du tourisme à la mairie de Megève. Prononcer Meugève si vous y skiez de temps en temps et Mjève si vous y allez depuis « Jnève ». Elle avait aussi exercé à Méribel et Courchevel ; et précédemment en Amérique du Sud. Après avoir vanté pendant des années « un petit village authentique de montagne » (ses propres termes), prendre en charge le tourisme et une partie de la culture d’une métropole doit être un saut majeur pour sa carrière !   

Monsieur Blaise, dont on ne connait pas encore la remplaçante, nous la présente comme « directrice du développement touristique », une casquette qu’elle conservera en plus de celle des Machines de l’île. Sur LinkedIn (https://www.linkedin.com/in/h%C3%A9l%C3%A8ne-franon-madec-2a4a19b5/?originalSubdomain=fr) elle s’affiche comme « Directrice du Tourisme chez Le Voyage à Nantes ». A-t-elle les dents qui rayent le parquet ? Johanna Rolland, sur les conseils avisés d’un consultant de passage, prévoit-elle d’équiper la Ville de télésièges ? La direction des Machines serait-elle comparable à la gestion de remontées mécaniques ? Ou plus simplement, serait-ce provisoire en attendant de rattacher Les Machines à une autre structure ?

Mais revenons aux forfaits. Les Machines de l’île ont toujours refusé d’appliquer un tarif global, il faut acheter les billets attraction par attraction (ce qui permet d’évoquer 740.000 « visiteurs » là où il n’y en a peut-être que 370.000 si chacun a visité en moyenne deux attractions. En cela, la façon de compter de Messieurs Blaise et Orefice est assez semblable. Madame Madec pratiquait peut-être cet algèbre en considérant le nombre de fois qu’un siège pouvait emporter deux skieurs plutôt que le nombre de skieurs embarqués. Ce qui lui donnerait toute la légitimité pour occuper ce double-poste, à cheval sur l’esprit de deux grands comptables du tourisme local.

À suivre.

Victor Hublot

La Folle Journée : les frais inutiles d’une société zombie

La Folle Journée est aujourd’hui gérée par la Cité des congrès. On pensait donc que la société du même nom avait disparu. Mais pas du tout ! Pour une raison X, elle a été maintenue en survie et continue à creuser un gros trou financier. Il revient au tribunal de commerce de l’achever. Avec peut-être des dégâts collatéraux.

La Folle Journée est en liquidation judiciaire. Le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le proclame ce 21 juillet. Ce n’est rien du tout, affirment les dirigeants de cette société d’économie mixte (SEM). « Un non-événement », assure Presse Océan, qui reprend les éléments de langage municipaux : « la décision de « saborder » la société La Folle Journée est actée depuis de longs mois, et ce de façon unanime par la majorité nantaise comme par les élus d’opposition de droite ».

C’est faux. Pour le constater, il suffit de se reporter au très officiel Rapport des administrateurs de la Ville [de Nantes] au sein des S.E.M. et S.P.L.pour 2022 publié voici quelques semaines. On y lit ceci, p. 13 :

Le Conseil d’Administration a décidé par délibération en date du 20 septembre 2021 de mettre en sommeil la SAEML LA FOLLE JOURNEE le 1er octobre 2021 pour une durée maximale de deux années ; terme à la fin duquel la structure décidera de sa reprise d’activité ou de sa dissolution

Autrement dit, la SEM perdurait. Si sabordage il y avait, il serait décidé le 30 septembre 2023. Que s’est-il passé entre le 1er octobre 2021 et aujourd’hui ? A priori rien puisque la SEM est « en sommeil » ! Pourtant, l’un de ses mandataires s’est rendu ce printemps au greffe du tribunal de commerce pour déposer le bilan. La liquidation judiciaire de la société a ensuite été prononcée le 5 juillet, la cessation des paiements étant fixée, au moins provisoirement, au 20 mai 2023.

Deux mystérieux prêts garantis par l’État

En réalité, la vraie question n’est pas : « Pourquoi ne pas avoir attendu fin septembre 2023 comme prévu (le « terme à la fin duquel ») ? » mais : « Pourquoi ne pas avoir procédé à une liquidation amiable dès 2021 » ? Le 20 septembre 2021, quand le conseil d’administration décide la mise « en sommeil », la situation semble déjà désespérée. L’édition 2021 de la Folle Journée a été désorganisée par l’épidémie de Covid-19 ‑ alors que celle de 2020 y avait échappé. De plus, les malversations de Joëlle Kerivin, directrice de la structure, ont été découvertes au cours de l’hiver. Dès cette époque, le Rapport des administrateurs de la Ville au sein des S.E.M. et S.P.L. pour 2021 (p. 24) tire le signal d’alarme :

Au 30 juin 2021, les fonds propres de la structure sont de nouveau négatifs (-398 K€). Cette situation entraîne une incertitude significative sur la capacité de la société à poursuivre son activité. En conséquence, elle pourrait ne pas être en mesure d’acquitter ses dettes et de réaliser ses actifs dans le cadre normal de son activité.

Bien entendu, le temps qui passe n’arrange pas la situation. Le Rapport des administrateurs de la Ville au sein des S.E.M. et S.P.L. pour 2022 se contente de reproduire l’avertissement de 2021. Il suffit de corriger le montant accusateur :

Au 30 juin 2022 les fonds propres de la structure sont de nouveau négatifs (- 565 K€). Cette situation entraîne une incertitude significative sur la capacité de la société à poursuivre son activité. En conséquence elle pourrait ne pas être en mesure d’acquitter ses dettes et de réaliser ses actifs dans le cadre normal de son activité.

Un peu plus loin, le rapport glisse :

La SAEML est en attente du dénouement de sa mise en sommeil, sa capacité à rembourser ses deux Prêts Garantis par l’État allant de fait impacter fortement sa capacité à perdurer juridiquement.

Là, il y a un petit mystère. La Folle Journée a bel et bien souscrit deux prêts garantis par l’État (PGE), joyaux de la politique du « quoi qu’il en coûte » en temps de Covid-19. L’un, de 400 000 euros en mai 2021, l’autre de 350 000 euros en juillet 2021. En ce 30 juin 2022, la mise en sommeil ne doit être « dénouée » que quinze mois plus tard, mais la « capacité à rembourser » est déjà nulle puisque la société n’a aucune activité. Un PGE est normalement remboursable au bout de deux ans. Le dépôt de bilan de mai dernier pourrait donc être lié à l’arrivée à échéance du prêt de mai 2021.

Ils courent, ils courent, les frais inutiles

On note l’ironie de la situation. À Joëlle Kerivin, on reproche d’avoir détourné près de 233 000 euros. Ça n’a pas aidé, bien sûr, mais ça n’est qu’une petite partie du gouffre creusé par La Folle Journée. Or ses successeurs demandent à l’État de leur « prêter » 400 000 euros, puis 350 000 euros à une époque où la SEM, déjà, «  pourrait ne pas être en mesure d’acquitter ses dettes » !

La SEM était « une coquille vide », insiste Ouest-France. Une coquille vide dotée tout de même d’une nouvelle directrice générale depuis septembre 2021. En 2021/2022, ses produits d’exploitation (principalement de simples écritures comptables et quelques subventions) ne dépassent pas 55 611 euros alors que ses charges d’exploitation s’élèvent à 256 229 euros (dont 68 497 euros de salaires et charges sociales), c’est-à-dire que le trou financier se creuse à grande vitesse ! Cité par Ouest-France, Guillaume Richard, administrateur de la SEM, présente la liquidation comme « une décision purement juridique, décidée pour ne pas laisser courir de frais inutiles ». Sauf qu’il s’agit d’une décision judiciaire, prise par un juge et non par les dirigeants de la SEM, et motivée non par des frais inutiles mais par l’insolvabilité de La Folle Journée.

Guillaume Richard est élu d’opposition à Nantes. Ouest-France voit dans ses propos un signe d’unanimité municipale. Pourtant, ces « frais inutiles » pourraient devenir une peau de banane sous les pieds du communiste Aymeric Seassau, président de la SEM. Le code commerce, en son article L651-2, dispose que

Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

Est-ce une faute de gestion que de « laisser courir » des « frais inutiles » pendant plus de dix-huit mois ? Après tant de déboires récents, ce serait un nouveau suraccident pour la municipalité de Johanna Rolland.

Sven Jelure

Son avenir compromis : Johanna Rolland pense à demain

Le futur en Futura black avec Johanna

Depuis le début de l’année, Johanna Rolland a adopté, plutôt discrètement ma foi, un nouveau slogan : « Demain n’attend pas, à Nantes inventons un autre futur ».  Il ponctue par exemple les panneaux annonçant le futur pont Anne-de-Bretagne (« Ici, l’aspiration collective à un pont de toutes les transitions » ‑ non ce n’est pas une blague, vous pouvez vérifier).

On a bien lu : « un autre futur », pas « un autre avenir ». À première vue, cela paraît idiot. L’Académie française a pris soin de le préciser : « Avenir désigne une époque que connaîtront ceux qui vivent aujourd’hui, alors que futur renvoie à un temps plus lointain, qui appartiendra aux générations qui nous suivront ». Demain n’attend pas, mais le futur, c’est bien plus tard !

Nantes Métropole dispose d’un service de com’ pléthorique. Les propos de la maire de Nantes ont sûrement été choisis et soupesés avec soin. On ne peut imaginer qu’elle ait par simple étourderie utilisé un mot pour un autre. Si elle vise délibérément le futur et non l’avenir, c’est sans doute qu’elle ne croit plus trop au sien. À chaque jour suffit sa peine : se soucier de demain évite de penser aux emmerdements d’après-demain.

On ne peut pas non plus imaginer que la maire de Nantes ait parodié les films de James Bond par manque de culture cinématographique. « Demain n’attend pas » cousine clairement avec la série Demain ne meurt jamais, Meurs un autre jour, Mourir peut attendre. Là aussi, c’est sûrement délibéré. Et assez audacieux étant donné la connotation plutôt macabre de ces titres.

Cependant, le vrai problème du nouveau slogan n’est ni l’avenir ni le futur, ni même demain : c’est le passé. Maire depuis neuf ans, Johanna Rolland est l’héritière d’un régime ayraultolitain instauré en 1989 – trente-quatre ans déjà. Et demain ne serait pas la suite des quelque 12 500 jours qui l’ont précédé ? Mais qu’ont-ils donc fait pendant tout ce temps-là, s’ils n’ont pas préparé jour après jour ce que Nantes allait devenir ?

La Fondation Jean Jaurès, conservatoire de la pensée socialiste, a rangé Jean-Marc Ayrault parmi ses « Héritiers de l’avenir ». L’oxymore se voulait glorieux. Mais il s’est mué vicieusement en une sorte d’antiphrase. L’héritage a été dilapidé, nous voici condamnés à inventer autre chose. On croirait entendre Pierre Dac : « Monsieur a son avenir devant lui et il l’aura dans le dos chaque fois qu’il se retournera ». Ainsi avons-nous vécu une longue suite de lendemains qui déchantent…

Soyons juste : Johanna Rolland n’a pas attendu hier pour inventer demain. Interrogée par Le Point voici deux ans, elle disait avoir « rejoint la dynamique plateforme Idées en commun d’Anne Hidalgo à travers l’équipe de France des maires pour réfléchir à des enjeux de fond ». Elle a même fait mieux depuis lors : elle a dirigé la campagne de la candidate socialiste à l’élection présidentielle, et obtenu 1,7 % des suffrages. Ce qui laisse de la marge pour un futur radieux.

Sven Jelure

Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons : un bond en arrière de 1.336.000 € en 2022

La gestion bizarre du Fonds extraordinaire de l'Arbre abandonné

Johanna Rolland a annoncé le 15 septembre dernier l’abandon du projet d’Arbre aux Hérons. Dès lors, le Fonds de dotation Arbre aux hérons et Jardin extraordinaire n’avait plus d’utilité. Créé en 2017 par Nantes Métropole, il était destiné à faire cofinancer le projet par des mécènes. On attendait donc qu’il disparaisse dans la foulée : quel mécène voudrait financer un projet abandonné ? (quant au Jardin extraordinaire, il y belle lurette que sa création a été financée par les contribuables).

Or, neuf mois plus tard, le Fonds existe toujours ! On se demande bien à quoi sa directrice salariée, Karine Daniel, peut passer ses journées. Il est vrai qu’elle ne manque pas d’occupations parallèles puisque Johanna Rolland l’a désignée comme tête de liste du Parti socialiste pour la prochaine élection sénatoriale.

Preuve qu’il existe encore, le Fonds vient de publier au Journal officiel ses comptes pour l’année 2022. Un bon point : cette publication intervenue avant la fin juin respecte le délai légal. Il n’en a pas toujours été ainsi dans le passé. Mais Karine Daniel a décidément du mal à faire bien les choses du premier coup : le Fonds devra publier un rectificatif de compte. Ce qui lui est déjà arrivé trois fois dans sa brève existence, le 19 avril 2022, le 2 décembre 2021 et le 5 juillet 2019.

En effet, les comptes qui viennent d’être publiés ne sont pas certifiés par un commissaire aux comptes. Or la loi l’exige. Le sujet est sensible. On se souvient que l’affaire de la Folle Journée a été révélée par un commissaire aux compte pointilleux. L’une des ramifications de l’affaire concernait le Fonds de dotation pour le développement culturel, créé lui  aussi par Nantes Métropole. Le préfet de Loire-Atlantique, chargé du contrôle des fonds de dotation, n’avait pas repéré le loup. Échaudé par cette affaire, on peut supposer qu’il est désormais extrêmement vigilant !

Le commissaire aux comptes doit établir un rapport sur le fonctionnement du Fonds, en signalant les menaces éventuelles qui pèsent sur son avenir. Là, il y a de quoi dire ! Mais l’expert-comptable qui a établi les comptes, Baker Tilly STREGO, n’est pas tenu aux mêmes précisions. Il se contente de noter ceci :

Depuis l’annonce de l’abandon du projet, des réflexions sont en cours sur le devenir du fonds. A la date d’émission de ces comptes annuels, la gouvernance du fonds continue d’échanger avec les parties prenantes au projet, et les décisions prises par le CA ne sont à date pas en mesure de remettre en cause la continuité d’exploitation. Les comptes ont été établis selon le principe de continuité d’exploitation.

Continuité d’exploitation… autrement dit, le Fonds continue comme si de rien n’était ! Concrètement, il n’engrange plus un fifrelin, il n’assure pas ses missions secondaires (informer les donateurs, concevoir la communication du projet) mais continue à verser des salaires.

Sous prétexte que les ressources et engagements du Fonds sont inférieurs à 153.000 euros en 2022, l’expert-comptable se dispense aussi de détailler comment les sommes reçues par le Fonds ont été employées. Il confond le Fonds avec une association. La loi du 4 août 2008 impose aux fonds de dotation d’établir un compte d’emploi annuel des ressources. De plus, l’article 12 des statuts du Fonds dispose que « l’annexe des comptes annuels comprend le compte d’emploi des ressources collectées auprès du public, accompagné des informations relatives à son élaboration ».Le débat est d’ailleurs oiseux : une fois ses frais de fonctionnement couverts, le Fonds est censé verser tout ce qui reste à Nantes Métropole.

Dans l’attente du rectificatif de compte, on peut déjà noter quelques faits plus ou moins étranges.

  1. Une collecte minable

Le Fonds a récolté très peu d’argent en 2022. L’abandon de l’Arbre a été annoncé le 15 septembre 2022. Le Fonds a donc dû fonctionner normalement pendant plus de huit mois. En 2021, il a récolté 771.371 euros. En 2022, 52.480 euros seulement.

Un montant très étonnant à première vue. Dans les premiers mois de 2022, le Fonds a annoncé l’arrivée de plusieurs mécènes : GSF Propreté & services, Goubault imprimeur, Zen Organisation, 2A Organisation, Urbanne Magazine, ACM Ingénierie, Groupe Lambert, GSS Global Software Services. Parmi eux figuraient quatre « Grands Hérons », censés verser au moins 50.000 euros chacun. De toute évidence, il y a de la perte en ligne !

Il est probable que Karine Daniel n’avait pas obtenu des chèques mais de simples déclarations d’intention. La plupart des nouveaux mécènes ont repris des billes qui en réalité n’étaient jamais sorties de leur poche.

  1. Une décollecte considérable

Et cela ne concerne pas seulement les mécènes de 2022. Dans ses charges d’exploitation de 2022, le Fonds comptabilise 1.336.000 euros de « pertes sur créances irrécouvrables ». Les règles comptables permettent aux associations d’inscrire les promesses de dons à leur bilan comme des « créances ». Oui, mais en contrepartie, elles sont obligées de comptabiliser des « pertes » si les promesses ne sont pas tenues. Ici, ces pertes sont probablement dues à des mécènes prudents qui avaient conditionné leur versement futur à la réalisation de l’Arbre. Et qui ont pris la tangente après le 15 septembre.

Ces pertes représentent plus de la moitié de la collecte nominale totale des trois années précédentes (2019, 2020 et 2021) ! Les comptes de ces trois années n’étaient déjà pas glorieux ; d’un coup, ils deviennent lamentables.

  1. Des frais de fonctionnement disproportionnés

Sont fermes et définitifs, en revanche, les frais de fonctionnement du Fonds, soit environ 275.000 euros, dont près des deux tiers en salaires (126.690 euros) et charges sociales (51.181 euros). Les dépenses des années précédentes étaient du même ordre. Autrement dit, le Fonds a dépensé pour fonctionner en 2022 cinq fois plus d’argent qu’il n’en a obtenu des mécènes.

Selon les statuts du Fonds (article 6.4), son conseil d’administration « détermine le taux de prélèvement des sommes collectées, destiné à couvrir les frais de gestion et de fonctionnement du fonds ». Ce taux n’a pas été publié, mais on peut calculer que les « sommes collectées », en dehors des simples promesses, ne devaient pas dépasser en réalité 400.000 euros par an. Les « frais de gestion et de fonctionnement », de l’ordre de 275.000 euros par an, en représentaient donc plus des deux tiers ! Les mécènes croyaient financer l’Arbre aux Hérons ? En réalité, ils payaient avant tout les salaires de Karine Daniel et de ses collaborateurs.

Le conseil d’administration, largement composé de représentants de Nantes Métropole, a-t-il vraiment choisi d’affecter aux frais de gestion pas loin de 70 % des sommes collectées ? Il s’est en tout cas abstenu d’en informer les mécènes. Mais d’un autre côté, si le taux de prélèvement théorique fixé par le conseil est inférieur aux deux tiers, on doit conclure que le Fonds fonctionne en violation de ses statuts. Et que sa patronne a risque un licenciement pour faute lourde.

  1. Un mécénat réel riquiqui

Conformément à ses statuts, le fonds de dotation reverse chaque année à Nantes Métropole une partie de ses disponibilités. Il n’est pas très facile de repérer ces versements, qui peuvent être désignés de différentes manières : « aides financières », « charges externes », « quote-part de générosité reversée », etc. Sous cette réserve, on peut dresser le tableau ci-dessous :

2017 2018 2019 2020 2021 2022
Montant reversé 80.939 256.768 100.000 1.100.000 657.200 400.000

Soit environ 2,6 millions d’euros là où il était prévu initialement d’en récolter 12,5 millions pour un Arbre à construire en 2021-2022 (et 17,5 millions après révision du budget). Ridicule ! Quoique, si dès le départ Nantes Métropole avait eu l’intention d’abandonner le projet en route, et si elle ne lui avait pas prudemment adjoint le cofinancement du Jardin extraordinaire, plus de deux millions et demi d’euros en échange de rien du tout, ce serait déjà une jolie escroquerie.

  1. Un emprunt surprenant

Au 31 décembre 2022, il restait 809.176 euros en caisse. Contre 905.351 au 31 décembre 2021. Le Fonds a donc puisé près de 100.000 euros dans ses réserves. Ah ! mais puisqu’il n’a pas collecté grand chose en 2022, comment a-t-il fait pour verser quand même 400.000 euros en « aides financières » ? Facile : il s’est endetté. Une toute nouvelle « dette sur immobilisations et comptes rattachés » figure au passif du bilan. Son montant : pile 400.000 euros !

Qui donc a pu prêter 400.000 euros à une entité aux perspectives si dégradées ? Inutile de chercher bien loin : c’est Nantes Métropole elle-même ! Cette opération blanche (400.000 euros reçus, 400.000 euros prêtés) obéit sans doute à quelque logique obscure de comptabilité publique. Cependant, sa légalité n’est peut-être pas bien assurée. L’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dispose que « aucun fonds public, de quelque nature qu’il soit, ne peut être versé à un fonds de dotation ». On verra ce qu’en pense M. le préfet de Loire-Atlantique.

Sven Jelure

Jean Blaise entraîné vers les fonds marins

Il est important de parler de la façon d'attribuer les marchés publics et d'organiser les appels d'offres. Un jeu culturel à la nantaise !

On ne tire pas sur une ambulance. Mais sur un panier à salade ? Jean Blaise est présumé innocent, certes ; cependant il y a des gens à Nantes que sa mise en examen n’attriste pas plus que cela. Johanna Rolland, elle, doit se mordre les doigts.

Du moins si elle relit son long entretien avec Éric Chalmel (alias Frap), publié par le blog de celui-ci, Les États et empires de la Lune en septembre 2013. Pas encore élue maire de Nantes, mais déjà intronisée par Jean-Marc Ayrault, elle déclarait à propos de la culture municipale :

Il y a eu une forme d’institutionnalisation de ceux qui ont été reconnus et placés en situation de responsabilité de la politique culturelle nantaise, ceux qui ont été à un moment donné l’émergence culturelle nantaise. Si l’on considère qu’en 2014, si je suis élue, ce ne sera pas un cinquième mandat mais le début d’un nouveau cycle, il faudra être capable de se réinterroger, de laisser quelques clefs, d’ouvrir des espaces d’émergence.

Finalement, le nouveau cycle avait fait son travail de cycle : il était reparti pour un tour. Jean Blaise était resté « placé en situation », conservant la tête de la SPL Le Voyage à Nantes, qui elle-même conservait la délégation de la politique touristique métropolitaine.

L’heure d’ouvrir « des espaces d’émergence » s’est pourtant présentée à nouveau en 2017 quand la chambre régionale des comptes a rendu un rapport sur Le Voyage à Nantes. Une section y était consacrée à la construction du Carrousel des mondes marins. Elle signalait pas moins de 21 types d’irrégularités différents : absence de publication d’avis d’attribution de marchés, absence de suivi des marchés, rétroactivité illégale d’un contrat administratif, etc.

Il semble d’ailleurs que la mise en examen de Jean Blaise n’est due à aucun de ces griefs, signe que les enquêteurs ont dû trouver davantage en fouillant les fonds marins. Ce que confirme la mise en examen dans cette affaire de personnes extérieures au Voyage à Nantes ‑ cadres de la SAMOA et hauts fonctionnaires. « Je nous félicite mutuellement de ce travail riche et fructueux » avait écrit Jean Blaise au président de la Chambre à réception du rapport. Sa garde à vue aura sans doute un peu terni son auto-félicitation.

Johanna Rolland n’avait pas saisi l’occasion. Et depuis lors, on ne peut pas dire que le Voyage à Nantes ait fait des étincelles. Son opération estivale patine. Sa seule initiative originale a été d’organiser en 2021 un colloque sur le tourisme du futur… À ce jour, un quart de siècle plus tard, toute présentation de Jean Blaise commence rituellement par : « le créateur des Allumées ». Pourvu que ça dure.

Sven Jelure

Le Voyage à Nantes 2023 ne baisse pas les bras

Jean Blaise nous a fait une nouvelle sélection d'œuvres déjà vues souvent ailleurs pour le Voyage à Nantes 2023. Par souci d'économie ?

Johanna Rolland a tenu à acheter à Royal de Luxe un « nouveau » spectacle, alors qu’elle aurait pu se contenter de celui qui a été montré à Villeurbanne l’an dernier. Prix de la création : 1,27 million d’euros, quand même. Mais pourquoi, alors, se contente-t-elle pour Le Voyage à Nantes de réalisations qui ont déjà servi ?

Jean Blaise l’assure, « le Voyage à Nantes estival vient chaque année enrichir la collection permanente grâce à des installations, temporaires ou définitives, d’œuvres d’art contemporain dans l’espace public ». « La » collection ? Une collection, en tout cas. Au premier rang du permanent temporaire ou du définitif provisoire enrichissant, en cet été 2023, figurera une œuvre signée Xu Zhen® (le ® est important, on y reviendra) et intitulée European Thousand-Arms Classical Sculpture.

En fait d’art « contemporain », cette installation « transforme 19 sculptures figuratives occidentales archétypales en un bodhisattva dansant ». Un bodhisattva ? Comme souvent, Le Voyage à Nantes fait dans l’approximation hâtive. L’installation n’évoque pas n’importe quelle incarnation de Bouddha mais, vaguement, Guanyin, déesse de la Miséricorde ‑  et encore, dans sa version dite « aux mille bras ». Car les dix-neuf sculptures cumulent bien sûr trente-huit bras. C’est un peu tiré par les cheveux ? On ne vous le fait pas dire. Quant à l’adjectif « dansant » il est juste rajouté pour faire joli : comme il y a dans le lot deux Christ en croix et deux statues de la Liberté, la cabriole n’est pas vraiment le genre de la maison.

Osera-t-on dire malgré cette multitude manuelle que cette réalisation spectaculaire est « de seconde main » ? Elle date en tout cas de 2014. Le Voyage à Nantes ne le cache pas : la date est indiquée en petits caractères dans son catalogue de l’été 2023. Elle a été exposée au Long Museum de Shanghai au printemps 2015 et à la National Gallery of Australia de Canberra en 2020.

À Shanghai, elle était même visible en trois exemplaires. Car cette série de moulages en résine acrylique et pierre reconstituée peut être dupliquée à volonté. Ses dix-neuf statues de différentes époques disposées en file indienne ne sont pas sans évoquer l’installation de Stéphane Vigny place Royale en 2019. Si elles ne sont pas disponibles en jardinerie, elles ont néanmoins un caractère industriel. L’installation n’est pas due à un artiste mais à une société commerciale, MadeIn (dont le nom joue sur la mention « Made in China »), qui emploie des dizaines de collaborateurs. MadeIn vend ses productions sous le nom Xu Zhen®, qui n’est pas une signature mais une marque déposée.

Un courant artistique déjà obsolescent

Également galeriste et marchand d’art, émule de Damien Hirst et de Jeff Koons et petit-fils spirituel de Marcel Duchamp, le fondateur de l’entreprise, Xu Zhen, assume : « la plupart des choses sont du business de nos jours », dit-il. Son entreprise assemble en quantité des évocations visuelles disparates, arbitraires, tape-à-l’œil et racoleuses, propres à épater le bourgeois de Nantes ou d’ailleurs – à provoquer chez lui un « effet whaou » comme dirait Jean Blaise. Très léchées, ces fabrications ne sont pas toujours du meilleur goût. En 2015, inspiré par la photo célèbre de Kevin Carter où un charognard lorgne sur un enfant soudanais affamé, Xu Zhen a ainsi montré un petit Africain en chair et en os (en os surtout) à côté d’un vautour mécanique(enfoncé, l’Arbre aux Hérons).

Ce n’est pas la première fois que Le Voyage à Nantes expose du kitsch déjà vu. C’était le cas par exemple avec Philippe Ramette. Xu Zhen (qui lui aussi a un temps exploité le filon visuel de l’équilibre « miraculeux ») est probablement d’un autre calibre en tant que représentant d’un courant culturel contemporain significatif. Hélas, ce courant a déjà deux ou trois saisons de retard : l’intelligence artificielle excelle aujourd’hui à mélanger des œuvres au sein de « créations » improbables calculées par ordinateur. Un coup d’œil aux images générées par Midjourney, par exemple, pemet de s’en faire une idée : la créativité algorithmique de l’IA, secondée par des imprimantes 3D, supplante celle de l’humain.

Xu Zhen n’est pas tombé de la dernière pluie. En 2016, déjà, à la Fondation Vuitton, il exposait une représentation de Guanyin « sous forme de gigantesque statue pop bariolée, générée par un ordinateur ». Il sait forcément qu’avec l’arrivée sur le marché grand public de logiciels d’IA comme Midjourney ou DALL-E, ses inventions ne feront bientôt plus lever un sourcil. À défaut d’avoir été le premier, Le Voyage à Nantes pourrait être le dernier à s’en épater.

Sven Jelure

Voyage à Nantes 2023 : l’année s’annonce bonne pour les statistiques

Les chiffres, les chiffres... C'est quand même dingue d'entendre ce qu'on raconte quand on connait les chiffres

Le Voyage à Nantes entretient depuis toujours un rapport… particulier avec les chiffres. Pour inaugurer la saison 2023, lecture d’un graphique qui vérifie une fois de plus l’apophtegme attribué à Churchill : « There are lies, damned lies, and statistics » (il y a les mensonges, les foutus mensonges et les statistiques).

Rituellement, chaque fin d’été, Le Voyage à Nantes présente un bilan touristique estival plus ou moins bidonné. Cette année, il innove : le bilan est un coup d’envoi (Presse Océan du 24 mai 2023). Présenté sous le titre « Nantes Métropole : une fréquentation toujours à la hausse », un graphique est censé démontrer la réussite de Jean Blaise et de son équipe. Il met en évidence des nuitées annuelles en hausse de 80 % de 2010 à 2019, et des nuitées estivales en hausse de 95 % sur la même période. Puis respectivement de 45 % et 32,5 % entre 2020 et 2022.

Or ce graphique d’aspect innocent est quintuplement mensonger !

Premièrement, non, contrairement à ce que dit son titre la fréquentation n’est pas « toujours à la hausse ». Elle a lourdement chuté en 2020 – comme le constate aussitôt le lecteur qui ne se contente pas du titre. L’épidémie de Covid-19 et le confinement en sont la cause, bien entendu, mais la hausse permanente est une fantasmagorie – dans la vraie vie, il y a des aléas.

Deuxièmement, s’il est légitime de traiter à part les années 2020-2022, il ne l’est pas d’inclure les années 2010-2011 dans le graphique. On sait que le tourisme a subi une crise en 2008-2010, et spécialement dans les Pays de la Loire. Faire débuter les statistiques en 2010, année creuse, donne l’impression que le rebond d’après-crise est dû au Voyage à Nantes. Ce qui est faux pour une raison très simple : il n’existait pas encore ! Sa première opération estivale ne date que de 2012.

Troisièmement, non, le graphique ne représente pas la « fréquentation ». Du moins, pas toute la fréquentation. Il ne porte que sur les nuitées en « hébergements marchands » (hôtels, camping…). Or les « hébergements non marchand » (dans une résidence secondaire, dans la famille, chez des amis…) ne sont pas du tout anecdotiques. Ils peuvent représenter plus de la moitié des nuitées au niveau national. Au niveau régional, 70 % des séjours touristiques étaient réalisés en hébergements non marchands en 2017.

Les hébergements marchands sont faciles à dénombrer grâce au versement de la taxe de séjour. Pour les hébergements non marchands, c’est plus difficile. Le Voyage à Nantes s’y essaie pourtant. À l’été 2013, par exemple, il revendiquait 129 000 touristes en hébergement non marchand pour 150 000 en hébergement marchand. Il est vrai que le bilan de cette année-là était plus que suspect. Le Voyage à Nantes « a ainsi pu communiquer des données variables pour l’année 2013 », a pudiquement noté la chambre régionale des comptes.

Bien, mais peut mieux contrefaire

Quatrièmement, l’absence des hébergements non marchands dans le graphique du 24 mai 2023 n’est pas neutre. D’abord, ces hébergements ont très bien résisté à la crise sanitaire en 2020 ; ils auraient même été plus fréquentés qu’en 2019 pendant l’été. Autrement dit, la baisse réelle de la fréquentation totale à l’été 2020 serait inférieure à ce que le graphique laisse penser.

Ensuite, selon l’Insee, « depuis juin 2022, les habitants de France métropolitaine passent davantage de nuitées dans l’hébergement marchand (hôtels, campings, locations auprès de particuliers, etc.) que dans le non-marchand ». Autrement dit, la hausse réelle de la fréquentation totale à l’été 2022 serait inférieure à ce que le graphique laisse penser.

Prendre en compte ces mouvements de sens opposé auraient rendu le graphique du 24 mai beaucoup moins flatteur pour la période estivale, celle du Voyage à Nantes : on serait parti de moins bas en 2020 pour rebondir moins haut en 2022 !

Cinquièmement, la présentation matérielle du graphique enjolive les choses : la ligne de base de la frise chronologique n’est pas située à 0 mais à 300 000 nuitées estivales ou à 1,5 million de nuitées annuelles. Visuellement, la progression de l’activité est ainsi plus flatteuse : quand les nuitées doublent, un œil distrait a l’impression qu’elles sont multipliées par quatre ou cinq.

Grosso modo, Nantes reçoit quand même deux fois plus de visiteurs qu’en 2010. Un magnifique succès du Voyage à Nantes ? Il faut le dire vite. La marée soulève tout ce qui flotte : depuis une douzaine d’années, toutes les métropoles françaises ont profité de la mode des city breaks et de l’essor des compagnies aériennes low cost. Nantes n’est pas passée à côté, c’est déjà ça. Mais l’objectif posé par Jean Blaise au lancement du Voyage à Nantes, « entrer dans le top 5 des destinations françaises » (Grenoble exprime la même ambition dans les mêmes termes) est loin d’être atteint. Nantes, sixième ville de France, se situe au huitième rang touristique, loin derrière Paris, Nice, Bordeaux ou Lille. Reste à se demander si les moyens investis pour n’en arriver que là (1) étaient nécessaires (2) ont été bien utilisés.

Sven Jelure

CHU sur l’île de Nantes : la chambre régionale des comptes s’inquiète – et nous aussi

Des taxes variées sont suspendues au dessus de nos têtes. Il va falloir être sénateur pour avoir les moyens de payer les surcoûts du futur CHU de Nantes

Le nouveau CHU de l’île de Nantes va coûter cher. Au moins 278 millions d’euros de plus que prévu par Johanna Rolland. Dont 55 millions d’euros rajoutés dernièrement par la chambre régionale des comptes. Et cela pourrait être beaucoup plus en cas d’erreur de conception, car le CHU s’est lui-même fourré dans une drôle de situation.

Le budget du CHU de l’île de Nantes dérape. Il faut y ajouter 55 millions d’euros, annonce Xavier Boussion dans Presse Océan (15 mai 2023). Explication : « un surcoût prévisionnel de 4 % lié à l’inflation, mis en avant par la chambre régionale des comptes ». L’inflation, on n’y peut rien, circulez, y a rien à voir ? D’ailleurs, qu’est-ce que 55 millions d’euros ? À peine plus qu’un Arbre aux Hérons ! La plupart des commentaires se focalisent sur ce montant.

En réalité, la situation est autrement plus grave. La chambre régionale des comptes vient de le révéler dans un audit. D’abord, ces 55 millions d’euros sont « un minimum », dit-elle. Ça rassure tout de suite. Ce montant « découle d’hypothèses d’inflation plus prudentes ». Autrement dit, les hypothèses antérieures, établies par les mêmes dirigeants, étaient peu prudentes !

Les hypothèses et tout le reste, d’ailleurs : Johanna Rolland et le CHU ne pourront pas dire qu’on ne les a pas avertis. Sans même parler de l’inflation, la Chambre, sévère, signale, dès le début en 2013, « un coût prévisionnel du projet sous-estimé ». En effet, « certaines hypothèses du projet présentaient un décalage très important avec les données historiques, notamment en matière de dépenses de personnel ».

Bienheureux décalage : il autorise Johanna Rolland, présidente du conseil de surveillance de l’hôpital, à présenter en grandes pompes, le 1er juillet 2015, un projet du nouveau CHU inférieur au milliard d’euros. Il faut quand même compter 976 millions d’euros « toutes dépenses confondues ».

En 2020 arrivent les premières réponses aux appels d’offres. Les coûts de construction envisagés s’avèrent intenables. On négocie, on rogne ce qu’on peut rogner, on abandonne (pardon, on « met en option ») l’un des bâtiments prévus ‑ oh, une bricole, il devait seulement abriter l’école des sages-femmes, le centre d’enseignement des soins d’urgence, un institut de formation des ambulanciers, un centre de vaccination, la médecine du travail et la maison de la recherche et de l’administration. Mais le budget dépasse quand même le milliard d’euros, dont 696 millions (+ 35 %) pour les seuls coûts de construction.

Plein de voyants à l’orange bien mûr

Mais les économies prévisionnelles « ne reposent que sur un simple changement d’hypothèses », note la Chambre. Celles-ci sont vite démenties. À l’été 2022, la chambre réclame au CHU des hypothèses plus réalistes, intégrant un taux d’inflation de +5,5 % en 2023. Elles révèlent le fameux surcoût de 55 millions d’euros. Le coût de la construction atteint 834 millions d’euros et le coût prévisionnel total du projet 1,254 milliard d’euros. On en est là : le surcoût par rapport à l’annonce de Johanna Rolland n’est pas de 55 millions d’euros mais de 278 millions (+ 28,5 %) !

Il faut donc revoir le budget et trouver 55 millions d’euros supplémentaires. Le CHU comptait faire des économies sur son fonctionnement. « La principale marge de manœuvre théorique sur l’exploitation courante concernait les effectifs dans le projet arrêté en 2013 », note la Chambre, sceptique. Baisser les effectifs ? Réduire les salaires ? Ce n’est pas exactement à l’ordre du jour pour l’hôpital public ! Alors, à présent, le CHU espère plutôt augmenter ses recettes avec des lits supplémentaires en gériatrie à l’hôpital Nord. Laënnec, naguère voué à la fermeture, viendrait ainsi à la rescousse du CHU Île de Nantes… Hélas, la Chambre montre avec force détails que la « trajectoire des recettes » espérée est hautement improbable.

Suffit-il de mettre en regard des coûts de construction qui dérapent et des recettes de fonctionnement hypothétiques ? Ce serait trop beau ! Pour payer la construction, le CHU s’est endetté. Il a souscrit entre autres deux prêts « toxiques » indexés sur le franc suisse. « La prospective financière du CHU comprend par conséquent un élément de volatilité notable en matière de frais financiers ». Autrement dit, non seulement le prix du béton va sûrement augmenter, mais le prix de l’argent destiné à payer le béton pourrait augmenter aussi. Ou baisser ‑ mais on dirait que la Chambre n’y croit pas trop.

Toute erreur est aux frais du CHU

La « seule note positive dans ce sombre tableau » est le respect des délais, souligne Xavier Boussion. Le chantier a été lancé à la date prévue. En soi, c’est presque un événement. Car une fâcherie s’est élevée avec le maître d’œuvre désigné. Après différentes modifications du projet, il réclame une rémunération supplémentaire. Et, pas fou, il refuse de garantir le coût des travaux tel que prévu par le projet. Le CHU préfère alors le remplacer ‑ une décision, « très rare dans une opération de telle envergure », souligne la Chambre.

Il pourrait en résulter un procès long et coûteux. Une solution transactionnelle est préférée. Mais elle comporte une clause non moins rare qui fait frémir la Chambre : « le CHU renonce à engager toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de la maîtrise d’œuvre ». En clair, si le projet souffre d’une erreur de conception, le CHU devra seul en assumer les conséquences. L’avocat du CHU déconseille cette prise de risque ? Ses dirigeants l’acceptent quand même. « Le CHU s’expose ainsi à un important risque financier », note la Chambre..

Ce n’est donc pas une épée de Damoclès mais toute une panoplie qui est suspendue au-dessus de la tête des contribuables nantais…

Sven Jelure

Jean Blaise bientôt en retraite, mais en quel état ?

Le Point a interrogé Jean Blaise sur Nantes en 2030 et a recueilli l’annonce d’un prochain départ en retraite. Le souvenir que laisse un acteur est surtout celui du dernier acte. Il ne se présente pas ici sous les meilleurs auspices.

Pour son supplément sur Nantes en 2030, Le Point (n° 2649 du 11 mai 2023) a interrogé Jean Blaise. Sa première question est naturellement : « Comment imaginez-vous la culture à Nantes en 2030 ? » Jean Blaise répond par… Les Allumées ! Trente ans de bond en arrière (Les Allumées datent de 1990-1995) pour parler de ce qui pourrait se passer dans sept ans !

Interrogé déjà par Le Point, Jean Blaise disait en 2012 : « J’ai 61 ans, et grâce à [Jean-Marc Ayrault], j’ai toujours l’impression d’en avoir 30 ». Johanna Rolland l’a sans doute fait vieillir de façon accélérée car il ne compte pas régenter encore la vie culturelle nantaise en 2030. « Je suis pour la retraite à 72 ans », déclare-t-il à l’hebdomadaire. Façon d’annoncer un départ en retraite prochain puisqu’il est né le 17 avril 1951. Façon aussi, peut-être, d’affirmer qu’il part de sa propre volonté. Car, puisque les statuts de la SPL Le Voyage à Nantes l’autorisent à rester en fonction jusqu’à 75 ans, certains risqueraient de croire qu’on l’a écarté.

Et tant que directeur artistique d’Un été au Havre, une activité indépendante, il aurait pu exercer sans limite d’âge. « Le Havre et son territoire me transportent », disait-il en juin dernier. Mais ces transporteurs l’ont débarqué. Sur le site internet de la métropole havraise, il décrivait Un été au Havre comme « un parcours artistique dans l’espace public, avec des œuvres pérennes ». Six mois plus tard, son remplaçant, Gaël Charau, déclare : « L’objectif n’est pas de dessiner un parcours avec des œuvres d’art dans la ville. » Le respect se perd.

Nantes moitié moins que Le Havre

On devine pourquoi. En 2022, la sixième édition d’Un été au Havre n’a pas été un succès. Il a fallu retirer au bout de quelques jours l’une des œuvres exposées, jugée trop lugubre (elle évoquait un pendu la tête en bas). La métropole du Havre, dans un texte posté sur son site web, revendique 1,3 million de visiteurs. Mais les compteurs installés sur place disent que les trois œuvres les plus visitées ont attiré respectivement 29 935, 6 213 et 5 965 personnes. Ainsi, 2,3 % des passants seulement auraient visité l’attraction la plus courue et même pas un sur deux cents les n°2 et n°3 ! Un flop magistral.

Le score de 1,3 million de visiteurs, calculé d’après le nombre de porteurs de smartphone passés à proximité des œuvres pendant l’été, n’est guère crédible (Le Havre aurait-il été contaminé par la tradition nantaise des bilans touristiques douteux ?). Néanmoins, c’est une vilaine pierre dans le jardin de Jean Blaise. Un mois avant cette annonce exactement, le 14 septembre, il avait lui-même publié un communiqué chiffrant le bilan du Voyage à Nantes 2022 à… 607 000 visiteurs. Moins de la moitié du score havrais ! Même si la manifestation normande a duré douze semaines et la bretonne dix seulement, l’écart est colossal. Jean Blaise aurait-il été un bon directeur artistique à son compte d’un côté, un mauvais directeur général salarié de l’autre ?

Kombouaré ou Willy Wolf

Ce ne serait pas grave si Le Voyage à Nantes avait enthousiasmé le public. Hélas, ce qui manque au chiffrage officiel est le nombre des visiteurs déçus. Car cette manifestation annuelle qui n’a jamais réussi à s’imposer sur le plan national et international est apparue en déclin en 2022. Deux titres de la presse régionale résument la situation :

Là encore, après dix ans de louanges un peu forcées, le respect se perd. « Il n’y a pas eu auprès du public local ce qu’on peut appeler un « effet whaou » », doit bien admettre Jean Blaise lui-même (son vocabulaire était plus riche du temps où il se décernait des éloges). Il y a comme un soupçon de mépris dans ce « public local » : pourquoi l’irrespect serait-il à sens unique ?

Jean Blaise signera-t-il Le Voyage à Nantes 2023 ? Dans une période où tout va de travers pour Johanna Rolland, ce serait courir un risque au regard de la postérité. « Ce sera difficile pour la personne qui me succédera, parce que j’ai accompagné l’histoire de la ville », dit-il au Point avec sa modestie coutumière. Mais accompagner une dégringolade, finir comme une sorte de Kombouaré culturel, ne serait pas forcément enviable.

Aujourd’hui, les portraits médiatiques de Jean Blaise débutent rituellement par : « Le créateur des Allumées… » Demain, il est probable qu’ils évoqueront plutôt Le Voyage à Nantes, mais avec quel qualificatif ? Créateur ? Animateur ? Directeur ? Fossoyeur ? Sauf miracle, sa fin de carrière sera moins glorieuse que son début. Quant au Voyage en Hiver, s’acharner aurait un petit côté Willy Wolf.

Sven Jelure

Place du Commerce à Nantes : le pavage des Syrtes

Nous parlons de végétalisation et de création d'ombre là où nous ne découvrons que granit. 70 arbres en moins, joli résultat. Chapeau bas, Johanna !

La nouvelle place du Commerce sera inaugurée samedi 13 mai. Les Nantais auront subi près de quatre ans de travaux, soit presque un an de plus que prévu. Le dérapage du budget, cependant, est plus modeste, inférieur à 2 millions d’euros (30,3 millions affichés pour 28,5 millions prévus, soit + 6,3 %). La réalisation obéit à un souci esthétique suranné et un peu contrefait, comme le révèle la communication municipale.

Superbement pavé de granit clair, l’espace Feydeau-Commerce a changé, et c’est heureux : pour 30,3 millions d’euros, de nos jours on a encore quelque chose. Mais quoi ? On l’a trop dit après Charles Baudelaire et Julien Gracq, « la forme d’une ville change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel », et quand c’est le technocrate qui conduit la pelleteuse, le résultat laisse souvent à désirer.

Jean-Marc Ayrault, par la distribution presque systématique de La Forme d’une ville à ses visiteurs de marque, rendait une sorte de culte naïf à un auteur qui, très explicitement pourtant, parlait de lui-même tout en affectant de décrire une cité qui était pour lui « presque davantage imaginée que connue ». La pratique municipale, telle qu’aux grandes occasions elle se révèle sans fard dans les communiqués savamment accommodés par ses scribes, a conservé comme un pieux vestige l’étrange prédilection apparente de l’ancien maire pour les discours chipoteurs et les descriptions ourlées d’adjectifs improbables, témoins d’un usage libéral du dictionnaire des synonymes, par lesquelles des plumes aussi méticuleuses qu’oniriques s’efforcent de restituer non point la topographie froidement objective de tumescences urbaines mais la magnificence d’intentions approximatives rehaussées ici et là par des bribes de demi-réalités putatives et espérées auxquelles les citoyens respectables, jamais à court d’espoir, accrocheront leurs illusions d’une métropolitanité sublimée.

En trois mots façon Sven Jelure comme en cent façon Julien Gracq, il y a du bourrage de crâne dans ce que Johanna Rolland et ses communicants nous disent de la nouvelle étendue Feydeau-Commerce ‑ plus massif encore qu’à propos de la « nouvelle promenade fraîche et végétalisée » du parking Duchesse-Anne.

Les cercueils de la Loire

Il n’y a pas que le pavage. La presse et les réseaux sociaux l’ont noté, la forme des fontaines et des parterres fait irrésistiblement penser à des cercueils ou des pierres tombales. Deuil d’ambitions électorales ? Enterrement prochain d’une vie professionnelle ? Quel fin psychothérapeute, quel voyant extra-lucide saura déchiffrer les impensés d’une inspiration aussi funèbre ?

Le dessin longiligne de ces éléments de décor orientés est-ouest visait, selon le discours municipal et les dires de la paysagiste Jacqueline Osty, à évoquer le cours de la Loire. Mais quelle Loire ? Cette vingtaine d’insertions modestes fait surtout penser aux maigres flaques éparses du fleuve évaporé par temps de canicule. Si l’on tient à une métaphore aquatique ce sera plutôt celle des faibles vaguelettes de granit qui paraissent s’étaler en travers de l’ancien cours du fleuve pour venir mourir au pied de la FNAC. Quasi invisibles, car sans ombre, aux yeux du piéton venant du Sud, elles sont si propices aux chutes qu’il a fallu les ourler d’un ruban adhésif noir, façon faire-part de décès.

Ces visions macabres sont subjectives, d’accord. Passons à des considérations plus objectives et même chiffrées. Nantes Métropole nous y invite en résumant ainsi, dès le chapô de son communiqué de presse, les aménagements réalisés : « Avec 3 400 m² d’espaces végétalisés, plus de 30 000 plantations et le triplement des espaces piétonnisés, la nature a gagné du terrain sur le bitume, les fontaines et les îlots plantés apportent désormais de la fraîcheur aux 100 000 personnes qui s’y croisent chaque jour. »

Admettons les 3 400 m², même si leur éparpillement les fait paraître plus exigus. Ils comprennent 2 000 m² d’espace vert supplémentaire par rapport à la situation d’avant 2019. Mais ces m² sont en deux dimensions. En 3D, le volume des 70 platanes coupés pour réaliser l’aménagement (50 arbres seulement ont été conservés) n’est évidemment pas compensé par de nouvelles pelouses. C’est pour la bonne cause : « les plantations ne dépassent pas la hauteur d’homme « pour éviter que les dealers s’y cachent » », a expliqué Johanna Rolland. Car sans doute se dissimulaient-ils dans les hautes branches des platanes abattus. (Au fait, croit-on que les dealers aient disparu pour autant ? Ils ne cherchent même plus à se cacher, et les cinq caméras de télésurveillance nouvellement ajoutées aux huit existantes ne les en dissuadent apparemment pas.)

2017 à gauche, 2022 à droite. C’est vrai qu’on verra mieux les iris au printemps.

Sous le signe de l’iris

Le nouvel aménagement s’étend officiellement sur 2,7 hectares. Les 3 400 m² d’espaces « végétalisés » en représentent donc 12,6 %, soit seulement un huitième de sa surface. Les espaces verts et aquatiques couvrent pourtant 41 % de la superficie de la ville, nous disent les services municipaux. Ainsi, cette nouvelle place soi-disant verdie est trois fois moins verte que la moyenne de la ville ! Nantes dispose de 37 m² d’espace vert par habitant ; les 3 400 m² annoncés forment la dose de 92 personnes, soit 0,015 % de la population métropolitaine.

Quant aux « plus de 30 000 plantations », soyons précis : elles comprennent officiellement 1 051 arbustes, 1 500 plants d’iris et… 29 621 graines de plantes vivaces. Bravo au comptable qui, à quatre pattes dans la glèbe, a minutieusement dénombré les graines de gazon semées à travers la place.

Les 1 500 plants d’iris méritent qu’on s’y arrête. Dès le début, ils ont été le cheval de bataille du réaménagement. « Un jardin d’iris fleurira de manière spectaculaire chaque début de printemps », assurait Nantes Métropole au lancement du projet. En ce début de printemps 2023, quel Nantais a repéré la floraison « spectaculaire », réduite à quelques dizaines de fleurs ?

Les botanistes préconisent de planter entre sept et quinze iris par m². Nos 1 500 plants doivent donc occuper entre 100 et 214 m², soit 0,4 à 0,8 % de la surface aménagée (ou 2,9 à 6,3 % de la seule surface végétalisée) : qu’on ne s’étonne pas si le spectaculaire n’est pas au rendez-vous ! Les botanistes insistent aussi : il faut planter les iris au soleil, et surtout pas à l’ombre. Serait-ce pour cela qu’on a sacrifié les platanes côté Duguay-Trouin et pas côté Brancas ? Les premiers auraient fait de l’ombre aux iris, les seconds n’en font pas. C’est le chien qui lâche sa proie pour l’ombre « et n’eut ni l’ombre ni le corps », comme dit La Fontaine.

Usagers déportés

Autre chiffre « objectif » dans la description de Nantes Métropole : 100 000 personnes se croisent chaque jour sur l’espace remodelé. Elles auront désormais bien plus de place. Lisons mieux le dossier de presse : « avec près de 100 000 piétons chaque jour dont 60 000 usagers des 3 lignes de tramway et des 6 lignes de bus (C2, C3, 11, 26, 54 et la navette vers l’aéroport), l’espace Feydeau-Commerce est le premier pôle de transports en commun de Nantes Métropole ». Le maquillage saute aux yeux : une seule des trois lignes de tram passe entre Feydeau et Commerce ! Quelque chose comme 30 000 piétons sont à retrancher du total allégué. Quant aux lignes de bus, tiens, c’est vrai, que deviennent-elles ? En 2019 encore, 518 bus s’arrêtaient là chaque jour. On a envoyé leurs 40 000 usagers quotidiens se faire voir ailleurs afin de libérer de la place pour les iris.

Naturellement, le « gain » net n’est pas de 40 000 usagers puisque une partie d’entre eux transitent depuis ou vers la ligne 1 du tram. Mais au lieu de trouver leur bus immédiatement au sortir du tram, ils doivent maintenant aller le chercher ailleurs. La majorité des piétons qui transitaient sur l’espace Feydeau-Commerce se dirigent à présent vers le cours des 50 otages, où ils se bousculent le long d’un quai pas prévu pour une telle affluence. Ses quatre petites aubettes, en particulier, sont bien insuffisantes en cas d’intempéries, et d’ombre il n’est pas question – mais les Nantais doivent savoir souffrir pour que la place du Commerce soit belle.

Les bus, eux, embolisent la circulation sur le cours des 50 otages ; les ambulances pressées d’atteindre les urgences du CHU les contournent en empruntant la piste cyclable, tant pis pour les deux-roues. Combien de temps faudra-t-il pour qu’un urbaniste municipal constate cette situation misérable et imagine de déplacer les bus vers un espace plus dégagé ? Par exemple Feydeau-Commerce…

Édicule en verre

Cerise sur le gâteau, Nantes Métropole a profité des travaux pour améliorer le parking souterrain Commerce (dont la présence en sous-sol interdit la végétalisation d’une vaste surface). On peut y accéder en particulier « via un édicule en verre situé place du Commerce » (page 11 du dossier de presse). Quand il n’est pas aveuglé par les iris, le piéton y voit plutôt une vilaine boîte en métal déployé.

C’est moins grave que la suppression de soixante-dix grands arbres, avec l’ombre et la fraîcheur associées, en plein centre ville, sur un espace menacé de devenir un îlot de chaleur en temps de canicule. Mais cela dénote une prédilection pour une apparence qui relève d’une époque révolue. Comme l’Amirauté affairée à repeindre sa caserne alors que monte la menace d’une guerre avec le Farghestan dans Le Rivage des Syrtes, Nantes Métropole semble d’autant plus attachée à son image (quitte à enjoliver les descriptions qu’elle en fait) que la réalité des choses est plus préoccupante.

Et si elle peut s’arranger avec la vérité à propos de sujets mineurs comme l’édicule et les iris, qu’en est-il à propos de sujets majeurs ?

Sven Jelure